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L’Amérique va-t-elle s’offrir un président socialiste ?

Bernie Sanders, sénateur socialiste du Vermont, n’est plus qu’à 4 points derrière Joe Biden dans les intentions de votes au niveau national pour la primaire 2020 du Parti Démocrate. Mais Sanders est à la hausse, or la primaire débute le 2 février dans l’Iowa puis le New Hampshire. Là, au niveau local, c’est la chute libre dans les sondages pour Joe Biden, et l’envolée pour Sanders. Alors, l’Amérique va-t-elle s’offrir un candidat socialiste à la Présidentielle (ce serait une première) et pourquoi pas un président rouge ? Voici quelques éléments de réponse.

BIOGRAPHIE RAPIDE DE SANDERS

Bertie Sanders aura 79 ans lors de l’élection présidentielle de novembre 2020. Et il a eu une attaque cardiaque le 1er octobre dernier alors qu’il faisait campagne à Las Vegas. Son âge et sa condition physique ne sont clairement pas des atouts, même s’il est – il faut bien le reconnaître – le plus virulent des candidats démocrates. Sanders est né dans une famille juive de Brooklyn. Il se décrit comme un « democratic socialist » (social-démocrate) et il est sénateur du Vermont depuis 2007. Il est devenu millionaire un peu malgré lui en vendant ses livres…. ce qui, là aussi, relève plus du rêve américain que du socialisme cubain (dans quel autre pays devient-on millionnaire par hasard ?!).

LE SOCIALISME AUX ETATS-UNIS

Le socialisme avait tourné à la clandestinité et même au quasi-terrorisme à la fin des années 1960 avec le mouvement SDS. Durant le XXème siècle, les Etats-Unis étaient en première ligne face à l’URSS, traumatisés par leur proximité avec Cuba et les missiles nucléaires qui y pointaient dans sa direction. Les autres expériences socialistes dans cette région du monde, comme récemment en Bolivie ou au Vénézuela, n’en ont jamais fait un modèle très inspirant pour les USA. Jusqu’à la candidature Sanders durant les primaires de 2016, lors desquelles il termina derrière Hillary Clinton… mais après avoir mobilisé des foules impressionnantes.

DES INEGALITES ACCRUES

Aujourd’hui, si Donald Trump a clairement enrichi le pays d’un point de vue global… tout le monde n’en a pas profité, et les Etats-Unis connaissent des points de ruptures sociales bien réels, même s’ils sont plus difficiles à analyser que dans les autres pays du monde (les Américains ne manifestent pas dans la rue… ils attendent patiemment d’exprimer leurs colères lors des élections). Si la candidature Sanders est le seul moyen d’exprimer une détresse, il sera sans aucun doute ce vecteur, comme Trump avait pu lui-même l’être en 2016. Ainsi, cette élection de 2020 sera à peu près le seul moyen de connaître la proportion d’Américains en colère. Ce qui est en revanche connu, c’est que les inégalités sociales n’ont pas disparu aux Etats-Unis, et qu’un très grand nombre de villes sont au bord de la rupture : de Nord (Chicago ou Détroit) en Sud (New-Orleans ou Memphis) et d’Est (Philadelphie) en Ouest (Los Angeles) : des zones de pauvreté effrayantes s’y agrandissent sans cesse dans les villes mais aussi dans les Etats ruraux du centre du pays ; la criminalité y devient incontrôlable, et les morts violentes touchent toutes les communautés (meurtres, suicides, overdoses, maladies liées à la drogue…). Souvent les médias européens vont parler du « miracle », ou de la « renaissance » d’un quartier de Détroit par exemple, employant le terme « gentifrication ». Mais c »est toujours l’arbre qui cache la forêt…

Voir cette étude sur l’agrandissement des zones urbaines de pauvreté

Donald Trump avait promis des milliards d’investissements pour les équipements publics, mais là encore, ce qui a été réalisé est très insuffisant face au délabrement des infrastructures (routes, ponts, écoles…).

La colère de Bernie Sanders est donc de toute évidence en symbiose avec une partie de l’opinion publique. Son point marquant le plus cette opinion est la promesse d’une couverture santé universelle, qui de facto réglerait un problème d’inégalités toujours bien réel des Américains face à la médecine. Autre point important : l’annulation de la dette colossale des étudiants américains.

Bernie Sanders
En 2016, il annonçait qu’il reviendrait !

SANDERS PEUT-IL GAGNER LA PRIMAIRE ?

Pour le moment la dynamique joue en sa faveur. Il est deuxième, alors que le premier, le centriste Joe Biden, est en position de faiblesse : à la baisse dans les sondages, menant une campagne peu énergique, et surtout rattrapé par « l’affaire ukrainienne » (elle a débuté car le fils de Joe Biden était devenu salarié d’une entreprise ukrainienne après un voyage de son père en Ukraine en tant que vice-président de Barack Obama…).

Le résumé de l’affaire ukrainienne sur Wikipédia est très clair et précis

Mais jusque là, Joe Biden était une personnalité appréciée des Américains, et il résistait plutôt bien dans les sondages. Mais, ainsi, il baisse dans les Etats cruciaux, et sa fragilité est également exploitée par d’autres candidats centristes comme Pete Buttigieg, ou encore Mike Bloomberg, qui s’est lancé dans la campagne en décembre, justement parce qu’il sentait que la campagne Biden vacillait.

De toute évidence, les Socialistes ont progressé aux Etats-Unis, avec des succès spectaculaires, comme celui d’AOC (Alexandria Ocasio-Cortez) lors des élections de mid-terms à New-York. Certains observateurs pensent que ce courant est « l’avenir du Parti Démocrate ». Ce que personne ne sait, en revanche, c’est si ce « moment socialiste » aura lieu dès 2020 autour de la candidature de Bernie Sanders.

Sanders a aussi deux atouts de taille sur les autres candidats :

– Il est le seul à avoir déjà concouru lors d’une primaire, et il était déjà passé assez près de la gagner (en 2016 face à Hillary Clinton). Or, au niveau organisation, ça ne s’improvise pas.

Sanders a des dizaines de milliers de petits donateurs, c’est lui qui récolte le plus de dons, et ils lui permettent de financer sa campagne.

Mais, dans tous les cas, il ne fera pas la course en tête tout seul, et si un centriste (Biden) s’effondre, alors les autres centristes (Buttigieg ou Bloomberg) auront de meilleurs résultats.

En cas de chute de Biden, il faudra avant tout observer la position des barons du Parti Démocrate. La plupart sont centristes. S’ils se rallient à Sanders, ce sera un signe assez positif pour lui car, jusqu’à ce jour, ils ne lui étaient pas vraiment favorables… Or leur poids pèse lourd sur le vote des militants.


NOTRE OPINION : Si Sanders gagne trois des cinq premières primaires, il sera leader, et Joe Biden sera terminé. Pour le moment, tout indique que ça sera le cas. Sanders aura alors en challenger Buttigieg et Bloomberg. Si on se fie aux sondages, Sanders et les socialistes n’ont pas de majorité absolue chez les Démocrates. Donc les challengers devraient monter assez vite durant le mois de février. Mais Sanders a bel et bien un coup d’avance, et il n’est pas évident (pour différentes raisons) que les deux centristes mentionnés soient capables de rassembler une majorité sur leur nom. Donc une victoire de Sanders est possible. Encore une fois, il n’est pas passé si loin en 2016 face au « poids lourd » Hillary Clinton… Cette fois-ci, il peut donc le faire.

Quand saura-t-on si Biden a perdu ?

Si Sanders gagne l’Iowa (2 fév), le New-Hampshire (11 fév) et le Nevada (22 fév) puis rattrape Biden le 29 février en Caroline-du-Sud (un des Etats les plus favorables à Biden), alors Biden disparaîtra de la course (au profit, encore une fois, d’un autre centriste).


BERNIE SANDERS PEUT-IL BATTRE DONALD TRUMP ?

Là encore, personne ne pourra le prédire, et il faudra attendre l’hypothétique duel Trump-Sanders pour savoir si une majorité d’Américains est satisfaite des réformes du capitalisme entreprises par Trump ; s’ils en tirent suffisemment de bénéfices… ou bien s’ils ont envie de renverser la table à nouveau, et changer diamétralement de cap pour se tourner vers le socialisme. On serait tentés de dire que, après la « surprise Trump » de 2016… tout paraît effectivement possible aux Etats-Unis.

Rappelons que la côte de satisfaction de Trump est assez haute, et stable depuis 2016 : pour le moment il n’est pas possible de prédire sa défaite.

En tout cas lors de son discours de 2019 sur l’état de l’Union (State of the Union) Donald Trump avait justement eu un très long passage anti-socialiste, comme s’il désignait son futur adversaire (il faudrait même parler « d’ennemi » dans ce cas !) et nous terminerons sur cette « prémonition » de Trump : « Nous nous tenons au côté du peuple vénézuélien dans sa noble quête de liberté — et nous condamnons la brutalité du régime Maduro, dont les politiques socialistes ont transformé cette nation du statut de plus riche pays d’Amérique du Sud à celui d’un état d’abjecte pauvreté et de désespoir.

Ici aux Etats-Unis, nous sommes alarmés par de nouveaux appels pour adopter le socialisme dans notre pays. L’Amérique a été fondée sur la liberté et l’indépendance, pas sur la coercition, la domination et le contrôle par le gouvernement. Nous sommes nés libres, et nous allons rester libres. Ce soir, nous renouvelons notre résolution que l’Amérique ne sera jamais un pays socialiste« .

Donc, on n’en est pas encore là… mais le socialisme est bel et bien devenu « tendance » aux Etats-Unis.

Gwendal Gauthier

Directeur du Courrier de Floride

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