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La Quasi-Guerre : Quand la France et les Etats-Unis ne s’aimaient pas

Entre l’Indépendance de 1776 qui n’aurait pu être gagnée sans l’aide des Français, et le retour triomphal de La Fayette aux Etats-Unis en 1825, il y eut une petite période que l’histoire a tendance à oublier ; un petit accroc dans l’amitié franco-américaine surnommé la « quasi-guerre », mais qui fit bien plus que des « quasi-morts ». Un événement qu’on ne commémore pas.

Après avoir fait leur révolution en 1776, les Américains avaient – comme chacun le sait – salué celle de la France en 1789. Mais l’exécution de Louis XVI en 1793 fut un premier facteur d’incompréhension, puisque c’est le roi de France qui avait permis aux Américains d’être indépendants. Son passage sur la guillotine devint même une importante fâcherie transatlantique puisque les Américains refusèrent alors de rembourser à la République française la dette militaire qu’ils avaient autrefois contracté auprès de la couronne de France. Les différentes étapes qui, à la même époque, ont mené à l’abolition de l’esclavage par la France ne sont alors pas non plus très bien vues aux Etats-Unis.

De son côté, la jeune République Française était alors en guerre contre l’Angleterre, et elle s’est retrouvée abasourdie quand les Etats-Unis ont renoué des liens commerciaux avec l’honnie couronne britannique, quelques années seulement après que les « manteaux rouges » aient perdu la guerre contre ses propres colons d’Amérique.

Les Américains tentaient alors de rester neutres entre les Anglais et les Français mais, à la fin de l’année 1794, les nations européennes mettent chacun de leur côté la pression sur les Américains et votent des lois contraignantes pour leur commerce. Les Américains se retrouvent donc obligés de choisir entre leurs anciens ennemis anglais et leurs nouveaux mais turbulents amis français. Le choix est rapide : les Anglais sont à la fois maîtres des mers et des routes commerciales. En plus ils sont toujours présents sur le territoire américain car ils y ont renforcé leur présence au Canada avec quelques 50 000 loyalistes qui ont fui les Etats-Unis suite à l’indépendance et la défaite anglaise. De l’autre côté de la balance, le drapeau français flotte sur des « confettis » d’Amérique : certes, « l’union des Républiques » entre la France et les USA est une belle idée… mais le choix est vite fait… les Américains préfèrent renouer avec les Anglais. Et pour eux ça n’a rien d’une guerre : ils tentent d’avoir une politique pacifiée et pacifiste.

Ecoeurée par ce qu’elle considère comme une trahison, dès la fin de l’année 1794 la République française autorise ses corsaires à arraisonner les navires marchands américains. Victor Hugues, Commissaire de la République en Guadeloupe, coordonne les bateaux de course qui saisissent les navires arborant la bannière étoilée. On ne peut pas parler de « guerre », car les Etats-Unis ont une toute petite Navy, et ils sont alors incapables de se défendre en mer. Durant les quatre années suivantes, ils combleront ce manque, alors qu’ils sont de plus en plus en insécurité. Un rapport présenté au Congrès le 21 February 1797 fait par exemple état de 316 navires marchands saisis par les Frenchies durant les onze mois précédents !

Le décor d’un conflit est posé, mais les historiens américains insistent aussi beaucoup sur un autre aspect : le président américain John Adams envoie une mission diplomatique en France, et les émissaires reviennent en déclarant qu’on leur a proposé de payer un pot-de-vin au ministre des affaires étrangères (Talleyrand) et qu’alors les corsaires Français arrêteraient les pillages. A la fin de l’année 1797, Adams rend public leur compte-rendu, mais en remplacement les noms des corrupteurs français par des lettres de l’alphabet. Ainsi naquit le scandale de la « XYZ Affair », et un sentiment « anti-français » naissant. 

La rencontre des diplomates américains avec les XYZ français.
La rencontre des diplomates américains avec les « XYZ » français.

Une quasi-guerre.. bien réelle

Ironie de l’histoire, le 4 juillet 1798 le président Adams nomme (sans lui demander) son prédécesseur George Washington en tant que général-en-chef des armées américaines. L’ex-ami des Français accepte en sachant bien ce que ça signifie : les Etats-Unis vont pour la première fois entrer en guerre en tant que nation, et ce sera contre ses ex-libérateurs ! Trois jours plus tard le Congrès suspend les traités bilatéraux avec la France. John Adams n’ira jamais jusqu’à déclarer la guerre à la France, mais d’une part il se met à soutenir les indépendantistes haïtiens, et de l’autre il ordonne que la pareille soit rendue à la France : embargo sur les produits français et capture des navires. Comme dit plus haut, l’US Navy existait certes en théorie, mais c’est vraiment « grâce à la France » et à cette Quasi-Guerre qu’elle va se constituer en une véritable armée lors des derniers mois de vie de Washington (qui décède d’une brutale infection à la gorge le 14 décembre 1799). Au plus fort de la Quasi-Guerre, l’US Navy monte à une trentaine de navires, appuyés par un bon nombre de bateaux privés, mais aussi par les US Coast Guards (les garde-côtes). La Navy sait qu’elle n’aura jamais le nombre nécessaire de bateaux pour lutter face aux armées françaises (ni les autres armadas européennes). Elle ne peut pas même construire assez de bâtiments pour escorter ses cargaisons en route vers l’Europe ! Si elle ne peut pas se défendre… alors elle va attaquer. Elle fait construire des bateaux rapides et puissamment armés, afin de gagner ses engagements en duel contre les corsaires. Et elle va dès lors les envoyer à l’abordage au cœur de la « zone française » : les mers entourant le sud des Etats-Unis et les Caraïbes.

Combat de l'USS Constellation et de l'Insurgente, le 9 février 1799 durant la quasi-guerre.
Combat de l’USS Constellation et de l’Insurgente, le 9 février 1799 durant la quasi-guerre.

Dans les havres des îles exotiques, les navires corsaires arborent le drapeau tricolore et des noms patriotiques (L’Amour de la Patrie, Le Citoyen…), mais aussi parfois exotiques, comme La Jalouse, Le Sans-Pareil, Le Tartuffe ou Le Sandwich. Leurs équipages sont d’intrépides marins, dont un grand nombre de Bretons qui n’ont pas peur de grand-chose. Durant la période de la Quasi-Guerre, ces terribles français auront subtilisé plus de 2000 bateaux américains (avec ou sans cargaison).

Autrefois ils pillaient au nom du roi de France… et désormais « au nom de la Nation ». Pour ceux qui ne connaissent pas les corsaires, rappelons le mot d’un officier anglais au Français Robert Surcouf : « vous les Français vous vous battez pour l’argent et nous les Anglais nous nous battons pour l’honneur« . Et Surcouf de lui répondre : « chacun se bat pour ce qui lui manque« . Ca reste et restera la meilleure définition de l’esprit libertaire, un peu pirate, qui régnait sur les goélettes aux armes de France.

L'USS Constitution aborde et capture le corsaire français Le Sandwich
L’USS Constitution aborde et capture le corsaire français Le Sandwich

Les escarmouches se succédèrent jusqu’au 7 janvier 1799, quand Marie-Étienne Peltier se saisit du navire marchand Carolina. Les Américains s’énervent plus encore et ils envoient dans la Caraïbe le commodore John Barry avec une petite armada. Et ils gagnent leurs engagements contre les Français, se saisissant notamment de L’Insurgente le 9 février. Les Français des Colonies commencent alors à craindre pour leur monopole de la « piraterie légale », et le 28 avril, Etienne Burnel, agent du Directoire en Guyane, déclare purement et simplement la guerre aux Etats-Unis. Heureusement cela n’a pas été suivi d’effet, mais les Etats-Unis continuent ainsi d’intensifier l’effort, alors que les Français ne savent plus où donner de la tête : Haïti est en train de se libérer, et d’autre part les plus vaillants corsaires de la République continuent d’être arraisonnés, comme La Vengeance le 2 février 1800, ou encore en mai le Sandwich. Ce dernier n’est pas saisi par n’importe qui, puisque c’est l’USS Constitution qui s’en empare, avec le non-moins légendaire William Talbot à la barre, le héros de l’Armée continentale américaine (durant la révolution).

Stephen Decatur Jr
Stephen Decatur Jr

D’autres grands noms de la marine américaine s’y mêleront, comme les commodore Stephen Decatur Jr qui fut aussi l’un des plus influents créateurs des bateaux de cette « première US Navy », ou encore le commodore William Bainbridge qui fut moins glorieux puisque capturé par les Français. Des dizaines d’engagements ont lieu, la plupart du temps emportés par la Navy qui saisit ou coule quatre-vingt-cinq navires corsaires. Et les plans de la France ne sont pas contrariés que dans les duels maritimes. Les Américains osent même débarquer ! Ils gagnent une bataille à terre sur Hispanola, et en juillet 1800 ils forcent les Français qui viennent d’envahir Curaçao à se rendre après avoir organisé un blocus de l’île. La France comprend qu’elle ne règnera plus en maître sur la Caraïbe. Le 30 septembre 1800, elle signe avec les Etats-Unis le traité de Mortefontaine qui met fin à une guerre qui n’a jamais existé… ou tout du moins jamais été déclarée. Entre autre clause, les Américains acceptent de donner à la France la place de « nation la plus favorisée ». Et en 1812 ils rentrent même de nouveau en guerre contre les Anglais !

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Moi, Louis-Michel Aury, pirate français, amiral de Bolivar, roi de Floride et… totalement inconnu !


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