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Les Etats-Unis en route vers le féodalisme ? C’est ce qu’assure le géographe Joel Kotkin

Le débat sur le coût du travail n’en finit pas à mesure que l’automatisation des productions se poursuit (mécanisation, robotisation, intelligence artificielle…) sur la planète. Le capitalisme produit encore plus de richesses qu’avant… mais avec plus encore de disparités pour ses bénéficiaires. Et s’il est un pays spécialiste depuis toujours en disparités capitalistes, chacun en conviendra… c’est bien les Etats-Unis !

The Coming of Neo Feudalism par Joel Kotkin
The Coming of Neo Feudalism par Joel Kotkin

Dans ce cadre, le géographe et urbaniste californien Joel Kotkin publie « The Coming of Neo Feudalism » (L’avénement du néo-féodalisme) avec en couverture la gravure française de la noblesse et du clergé chevauchant le dos du paysan (publiée avant la Révolution Française). A quoi fait-il ici référence ? Pour lui les nouveaux seigneurs sont ceux de la finance et de la Tech, alliés aux « nouveaux prêtres », ceux de « l’intelligentsia progressiste » qui leur « donne une justification morale » (philanthropie, écologie…). Tout comme les serfs médiévaux se sentaient liés au système féodal par l’espérance chrétienne de la rédemption, l’ordre néo-féodal tiendrait lui aussi (selon Kotkin) ses « serfs », et il les tiendrait autant par les relations économiques que par les valeurs culturelles « évangélisées » depuis les hauteurs du « clergé » vers le bas de la société. Ainsi, les Etats-Unis qui avaient fait du mérite la valeur absolue, se retrouveraient aujourd’hui coincés par une classe de méritocrates diffusant des valeurs propices à ce que les possédants restent à leur place, et les « nouveaux serfs » à la leur. A ce moment du récit, d’aucun se dira qu’il s’agit là d’un auteur « de droite ». Or… pas du tout. Joel Kotkin est bel et bien progressiste.

« Si les soixante-dix dernières années ont vu une expansion massive de la classe moyenne, non seulement en Amérique mais dans une grande partie du monde développé, aujourd’hui cette classe est en déclin et une nouvelle société plus hiérarchisée émerge. La nouvelle structure de classes ressemble à celle du Moyen-Age. Au sommet du nouvel ordre se trouvent deux classes: une élite cléricale renaissante, la cléricature, qui domine la partie supérieure des rangs professionnels, les universités, les médias et la culture, et une nouvelle aristocratie dirigée par des oligarques technologiques avec une richesse sans précédent et un contrôle croissant de l’information. Ces deux classes correspondent aux anciens premier et deuxième Etats de la France du Moyen-Âge.

Au-dessous de ces deux classes se trouve ce qu’on appelait autrefois le Tiers État. Cela comprend la « yeomanry », qui est composée en grande partie de petits entrepreneurs, de petits propriétaires, de travailleurs qualifiés et de professionnels du secteur privé. Ascendante pendant une grande partie de l’histoire moderne, cette classe est en déclin tandis que ceux qui sont en dessous d’eux, les nouveaux serfs, croissent en nombre – une population vaste et en expansion, sans propriété.

Les tendances montent, mais nous pouvons toujours les inverser ― si les gens comprennent ce qui se passe réellement et ont la capacité de s’y opposer.« 

Joel Kotkin
Joel Kotkin

Selon lui, la douleur de cette transition « vers un néo-féodalisme », serait atténuée par un «socialisme oligarchique», et qui se traduirait par exemple par des discussions sur la mise en place d’un « revenu universel » (1).  Ses détracteurs qualifient le revenu universel « d’assistanat », mais dans l’esprit de Kotkin, c’est surtout une sorte de « charité » des « possédants » envers les « dépossédés ».

Il y a aux Etats-Unis, c’est certain, un mouvement de déclassement vers la périphérie, par exemple des personnes ne pouvant plus se loger dans les grandes villes de Californie (2). Après certains signes d’espoir vers la fin du XXème siècle, les villes du Sud ont pour leur part re-joint celles du Midwest dans le sous-développement.

Chacun aura son propre avis sur la pertinence de cette analyse… mais en tout cas le livre de Kotkin a été écrit avant l’épidémie de covid-19… qui n’a pas arrangé les disparités, et dont on peut redouter qu’elle ait mit durablement au chômage des millions de personnes. Un nombre important de petites entreprises ont depuis lors mis la clé sous la porte, alors qu’au contraire les empires financiers et les géants de la distribution (comme Amazon) se renforcent.

QUELLES REPONSES ?

L’avocat Steven Brill avait déjà produit un livre sur cette « spirale réduisant depuis 50 ans l’égalité des chances » aux USA. Autrefois les Américains révoltés l’étaient tous « pour l’égalité des chances ».

Mais pour certains, aujourd’hui, le problème central c’est de pouvoir payer les études de leurs enfants, leurs factures médicales, ou bien tout simplement des loyers qui deviennent impossibles à régler dans certaines grandes villes. Sans même parler d’une hypothétique accession à la propriété : est-il possible de concevoir l’Amérique sans que ses citoyens puissent être propriétaires, au moins au terme d’une vie de labeur ?

Pour certains, l’égalité de chances est toujours un enjeu. Mais pour beaucoup le problème ce n’est ainsi plus la méritocratie… ou d’avoir un jour la promesse d’avoir une chance sur cent de devenir millionnaire. Beaucoup veulent du concret… et tout de suite. C’est important à comprendre à la veille d’une élection présidentielle.

Ces disparités de revenus auraient provoqué un regain de socialisme dans 99% des pays de la planète. Or, on a vu durant l’hiver 2020 aux Etats-Unis les limites de la candidature d’un Bernie Sanders. Les Américains ne sont pas apparemment convaincus par le socialisme, et ils croient au contraire toujours à la « théorie du ruissellement » : si le capitalisme ne fonctionne plus, alors il suffit de « changer de capitalisme » et de faire MAGA (Make America Great Again). La victoire de Donald Trump en 2016 avait ainsi été assurée par les Américains modestes ou pauvres (sauf les Afro-Américains qui n’avaient été que 8% à voter pour lui). Ils avaient ainsi préféré voter pour un héritier comme Trump plutôt que pour une personne hissée au sein de la méritocratie à force de travail, comme c’était le cas d’Hillary Clinton. Le symbole était donc important… et il mérite peut-être d’être considéré à la veille d’une nouvelle élection présidentielle lors de laquelle l’Amérique paraît plus que jamais divisée entre deux parties qui ne se comprennent plus.


– 1 – En France, cette idée a de même été promue par le dernier candidat socialiste à l’élection présidentielle (Benoit Hamon), et est peut-être un peu aussi dans l’idée du président Macron avec son « revenu universel d’activité ».

– 2- Ca se produit de la même manière en France depuis plusieurs décennies et de manière assez silencieuse, jusqu’à la réaction des « Gilets Jaunes » ou encore du vote Rassemblement National qui sont chacun très forts dans les zones péri-rurales.


The Coming of Neo-Feudalism

par Joel Kotkin

288 pages (mai 2020)

Editeur : Encounter Books

www.joelkotkin.com/books/


 

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