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Midterms : Les Démocrates en position difficile, mais pas impossible

Cet été, Joe Biden et Kamala Harris semblaient être la cible de toutes les critiques, y compris de leur propre camp. Les sondages sont fortement défavorables à la Maison-Blanche, mais sur le terrain il est encore un peu tôt pour savoir qui va emporter le Congrès lors des élections de Midterms le 8 novembre prochain.

Généralement, le président élu voit son propre camp perdre les midterms deux ans plus tard. Il faut toutefois rappeler qu’il n’y a pas de fatalité : en 2018 les Républicains avaient gagné alors que la même tradition (et les sondages) les annonçaient perdants. Toutefois, ce sera difficile en novembre pour les Démocrates car, au Sénat, leur situation est déjà très serrée (50/50) et c’est la seule voix de la vice-présidente Harris qui leur donne actuellement la majorité.

Voici un panorama des forces politiques américaines à la veille de ces élections.

CE QUE NE SONT PLUS LES PARTIS

Et, pour bien analyser ce que sont aujourd’hui les deux grands courants politiques américains, il faut déjà commencer par exclure (et rappeler) ce qu’ils ne sont plus. En effet, deux grands courants politiques qui avaient marqué ces dernières décennies ont perdu leur influence.

Les Républicains semblent ainsi toujours à l’abri d’un retour des néo-conservateurs, qui dominaient la vie politique américaine jusqu’en 2016. Le discours de Trump a neutralisé cette tendance, notamment au sujet des interventions internationales : son pacifisme a rendu beaucoup plus difficile d’assumer les interventions militaires du passé. En contre-exemple (il en faut toujours) on pourra dire que le soutien actif à l’armée ukrainienne (dans son conflit contre la Russie) a fait l’unanimité de la classe politique américaine). (1).

Les centristes démocrates (Biden, Clinton…) semblent être les plus proches de la politique interventionniste américaine du passé mais, derrière eux, l’appareil d’Etat est tout sauf replié sur son propre territoire américain. Quels que soient les noms de ses prochains présidents, l’Amérique ne pourra pas se contenter d’être passive dans le jeu international (même si Trump était réélu en 2024) : l’année 2022 a marqué le début d’un bouleversement mondial, multipolaire, et l’Amérique devra constamment y renforcer son propre pôle.

Du côté des Démocrates, c’est la déroute des socialistes qui est le fait récent le plus mémorable de ces dernières années, avec la défaite sèche de Bernie Sanders durant la primaire de 2020. Un boulevard semblait alors se dessiner pour l’autre tendance, les « identitaires », ceux qui (avec Clinton ou Biden) faisaient passer la « lutte des minorités » avant la « lutte des classes ». Ceci dit, si Biden a su effectivement rassembler les minorités autour de lui (comme Obama l’avait fait en 2012 et 2016), ce n’est jamais gagné d’avance pour les candidats Démocrates : Hillary Clinton avait été largement bousculée par Sanders et cette division avait certainement aidé à la défaite finale de Mme Clinton. Depuis lors, de très nombreux latinos et afro-américains sont en train d’émerger comme cadres du Parti Républicain : ce sera une tendance bien réelle de cette élection de midterms (2). En 2020 Trump avait déjà doublé ses voix chez les African-Americans, et fortement accentué son électorat latino. On se rappelle des images d’un demi-million de latinos attendant Trump à minuit sur un aéroport de Miami deux jours avant l’élection présidentielle et chantant « Yo voy a votar por Donald Tromp ». 

Les minorités ne constituent donc pas des « électorats verrouillés », et le choix des candidats Démocrates – « socialistes » ou « identitaires » – aura donc des conséquence pour l’avenir.

En tout cas, dans un avenir proche, les espoirs des Socialistes (tendance Sanders) semblent compromis.

L’INFLUENCE DU TRUMPISME

On savait que la famille Trump resterait dans le jeu politique, mais on pouvait aussi s’attendre depuis 2020, si ce n’est à une élaboration, du moins à une clarification de ce qu’est le logiciel, le programme, les idées national-populistes. Certains, comme Steve Bannon (ex-conseiller de Trump), laissaient promettre monts et merveilles à cette idéologie. Au contraire, si aujourd’hui le national-populisme a une identité idéologique, c’est bien sa souplesse… pour ne pas dire qu’il s’agit d’un petit fourre-tout dont, seul, le chef détermine la contenance. Et c’est le cas dans tous les pays du monde touchés par ce qu’il est bien difficile de nommer « une idéologie ». Bien sûr, quel que soit le pays, le national-populisme est toujours, au niveau local, un peu plus souverainiste que les partis concurrents, et un peu plus opposé que les autres à l’immigration. Ici il est, jusqu’à présent, pacifiste et assez isolationniste : « America First ». C’est ce qu’on peut, ainsi, dire du nationalisme américain.

Les Républicains sont toujours en majorité trumpistes. Près de la moitié des candidats qui se présenteront en novembre au Sénat, à la Chambre, et aux postes de gouverneur, attorney general (ministre de la justice) ou secrétaire d’État ont mis en doute ou refusent la légitimité de l’élection de Joe Biden comme président des Etats-Unis. Mais, orphelins du néo-conservatisme et sans vraiment avoir un nouveau logiciel trumpiste, les Républicains savent très bien ce qu’ils ne sont plus… mais sans trop savoir dans quelle nouvelle direction ils doivent se diriger. La fidélité au chef reste le marqueur essentiel du républicanisme, auxquels s’ajoutent des réflexes conservateurs plus classiques (dont la position sur l’avortement). Les rares Républicains qui résistaient encore à Trump sont éliminés, comme par exemple Liz Cheney (fille de l’ex-vice-président Dick Cheney) écrasée par son adversaire trumpiste dans le Wyoming le 16 août dernier.

UN GRAND MANQUE D’IDEES POLITIQUES

Aussi bien pour les Démocrates que pour les Républicains, au lieu d’être basés sur des idées, les enjeux de ces Midterms sont en train de se focaliser sur des valeurs morales. La « morale démocrate » rassemble ses troupes contre les partisans de l’avortement. La « morale républicaine » rassemble les siens contre le « wokisme » : l’enseignement que l’Amérique en général, et certaines races en particulier, seraient racistes à l’encontre de plusieurs minorités, et ce « sans même le savoir ». Les Républicains sont fortement mobilisés contre l’enseignement aux enfants des écoles (parfois jeunes) des discriminations de genre, de sexualité ou de race. Pour les Républicains, l’Amérique n’est pas intrinsèquement raciste, et dans tous les cas « les écoles n’ont pas à parler de sexualité à de jeunes enfants ».

La lutte est telle que, par exemple, l’Etat de Floride a voté des lois pour « protéger les enfants » de ces débats. Walt Disney a contesté ces lois et désormais l’Etat de Floride menace certains privilèges dont Disney jouit autour de son parc d’attractions d’Orlando. On est bel et bien ici dans une querelle de titans, mais pas du tout sur des enjeux économiques fondamentaux pour les Américains !

Autre point de crispation « moral » : l’invasion du Capitole de Washington le 6 janvier 2021 par des partisans de Donald Trump. Il s’agissait du dernier rassemblement public de Trump, et les Démocrates passent depuis lors un temps très important à en parler, tout comme les médias partisans. Sans nier la gravité de ces événements, force est de constater que les Démocrates tentent de poursuivre Trump en justice à peu près à chacun de ses déplacements ! Pour le cas du 6 janvier 2021, par delà le paquet d’idiots (dont certains rigolards) que les policiers, débordés, ont laissé entrer dans le Capitole, il s’agit pour les Démocrates de dénoncer un « complot fasciste » dont Trump aurait été, si ce n’est le « chef », du moins l’instigateur. Auparavant, Trump avait – durant son mandat – dû subir deux procédures de destitution dont chacun savait qu’elles n’aboutiraient pas. Mais, quand les médias partisans trouvent un problème auquel s’accrocher… (3). La différence avec les procédures de destitution, c’est que cette fois on parle de « fascisme », de « coup d’Etat » et autres accusations très violentes.

Il est bien certain que, quand ce genre de problèmes arrivent, les enquêtes judiciaires doivent ensuite se réaliser. Mais, aux Etats-Unis, d’une part les enquêtes ne se font pas contre tous les politiciens (certains arrivent (pour le moment) à y échapper), et d’autre part elles sont instrumentalisées à l’infini par les médias. Ca ne veut pas dire que, cette fois, ça n’aboutira pas contre Trump. Cette partie de l’article a pour simple but d’expliquer qu’il y a une volonté de « moraliser », de « diaboliser » : et que les deux vont de pair. La perquisition en août par le FBI du domicile du chef de l’opposition (Donald Trump, encore lui) pour d’autres histoires, aura fini de chauffer à blanc ses partisans.

En synthèse, les deux camps s’accusent ainsi de « coup d’Etat ». La « grande fracture politique des Américains » constatée par chacun depuis quelques années, va donc sans aucun doute s’accentuer lors de ces Midterms, sur cette base manichéenne : « le bien contre le mal ».

L’INFLATION JOUE A PLEIN

Si le tandem Biden-Harris est impopulaire, c’est parce que les américains ont une sensation « d’inactivité » de leurs gouvernants. Depuis le début de la crise de la Covid, l’inflation a été importante aux Etats-Unis, et tout le monde est touché. Le prix de l’essence a explosé au printemps 2022 avant de redescendre fin juillet. Alors, quand l’économie va, un président américain peut bien passer son temps à jouer du saxophone s’il le souhaite. Mais, quand ça ne va pas… les citoyens commencent à s’inquiéter de la vigueur de leurs gouvernants.

Il est un peu injuste que ce sentiment négatif puisse se reporter à l’encontre de la vice-présidente, puisque son rôle est justement de rester très « symbolique » ; en retrait. Mais pour le président Biden… son style de gouvernance donne a posteriori raison à Donald Trump, qui l’avait surnommé « Joe l’Endormi ». De facto, pour savoir de quelle impopularité on parle, il faut savoir que depuis la première candidature présidentielle de Trump en 2015, jamais les sondages ne l’ont donné gagnant contre un Démocrate, que ce soit Clinton ou Biden. Mais, depuis le début du mois d’août 2022, les sondages donnent Trump largement gagnant en 2024, aussi bien contre Biden que Harris…

Autre statistique, celle du « job approval » de Joe Biden ; c’est-à-dire la manière dont les Américains jugent son action présidentielle. Depuis le 30 août 2021 ils sont une majorité de citoyens à trouver négative la politique du président. Mais depuis le printemps 2022, c’est encore plus grave : Biden a désormais la pire côte de popularité de tous les présidents (y compris Trump) ; la pire en tout cas depuis que ces sondages sont réalisés (c’est à dire depuis le président Truman en 1945).

Cet été, in extremis (à quelques semaines des élections), la Maison-Blanche a réussi à faire voter plusieurs mesures importantes (voir encadré). Sera-ce suffisant pour remotiver les troupes ?

Généralement, en cas de tempête, tout le monde serre les coudes. Mais durant le mois de juillet le camp démocrate a clairement lâché Biden. Le quotidien New-York Times (qui est le vaisseau amiral des médias démocrates) titrait ainsi le 9 juillet sur sa couverture un dévastateur : « A 79 ans, Biden teste les limites de l’âge et de la Présidence ». Le message est clair (tout l’article est à charge) : ils ne laisseront pas Biden faire un second mandat… si tant est qu’ils le laissent terminer le premier ! Une semaine plus tard, le magazine The Economist » (oubliant complètement la neutralité (même de façade) qui incombe à un média d’information) (4) titrait à son tour : « Wake Up, Démocrats ! » (5), avec en illustration un âne (le symbole du parti) donnant un coup de pied à un réveil. Aux Etats-Unis, ce sont bien les médias qui donnent des ordres aux partis politiques !!! En l’espèce, l’article demande à Biden de se réveiller, mais aussi aux Démocrates de s’éloigner des extrémistes socialistes ou de ceux qui veulent « définancer la police » etc…. « Si les démocrates doivent être définis par leurs idées les plus extrêmes et les moins populaires, ils remettront alors un programme politique gagnant – des griefs de guerre culturelle – à un parti d’opposition qui pourtant doit encore se purger du poison qui rend Mr Trump inapte à occuper la présidence. » Dans un autre article du même numéro, The Economist voit quand même des signes d’espoirs dans le fait que des municipalités démocrates aient récemment pris leurs distances avec ce genre d’idées jugées « extrémistes » par le magazine.

Une ou deux semaines plus tard The Economist : titrait un nouveau papier par un sobre « Biden a déçu tout le monde », avec en illustration un Biden dessiné en tortue !

RIEN N’EST JOUE !

Sur le terrain, dans chaque circonscription, les sondages ne sont pas forcément si mauvais pour les différents candidats Démocrates à la Chambre ou au Sénat. Les prévisions sont même souvent bonnes quand, face à eux, les Républicains se sont choisi un nouveau candidat… Or, le GOP a beaucoup de nouveaux candidats, qui n’ont pas encore eu le temps de se faire un nom au niveau local. Les Démocrates pensent que certains, qu’ils considèrent comme « radicaux », seront facile à bousculer, notamment sur la question des valeurs morales invoquées plus haut dans cet article. Il y a donc, quand même, pas mal d’incertitudes sur le résultat final.

Et, bien sûr, durant les deux mois qui restent avant les Midterms il peut se passer beaucoup de choses aux Etats-Unis, surtout avec un degré de tension pareil ! Mais… tout dépend à quelle vitesse vont courir l’éléphant, l’âne et… la tortue.


– 1 – Les « historiques » du mouvement néocon, regroupés autour du site internet The Bulwark, continuent aujourd’hui comme depuis 2016 de maudire les progrès du trumpisme au sein du Parti Républicain. 

– 2 – The Economist (magazine soutenant les Démocrates) a titré un article le 7 juillet : « Les Démocrates ont un problème hispanique. Chez les électeurs latinos, les années Trump ont plus fait de mal aux Démocrates qu’elles ne les ont aidé ».

– 3 – Il convient au passage de remarquer que les médias démocrates n’ont pas réussi, depuis janvier 2020, à se trouver un nouveau « meilleur ennemi » : c’est toujours Trump (et ça risque de continuer encore un bon moment !).

– 4 – The Economist était, il y a quelques années encore, l’un des magazines les moins militants. Apparemment c’est terminé.

– 5 – www.economist.com/leaders/2022/07/14/the-democrats-need-to-wake-up-and-stop-pandering-to-their-extremes

Des mesures enfin votées au Congrès !

Moins de trois mois avant les élections de midterm, le Congrès a voté le « Inflation Reduction Act » de 737 milliards de dollars. Il s’agit d’une bonne nouvelle que le gouvernement puisse ainsi faire voter quelque chose de concret, mais il convient de rappeler que cet Inflation Reduction Act est en fait le nouveau nom du plan « Build Back Better » promis par Joe Biden durant sa campagne électorale de 2020 (!), et ici opportunément renommé. Il avait été initialement annoncé comme « le plus grand investissement gouvernemental depuis les années 1930 » mais il n’en sera rien : il a été considérablement revu à la baisse. Néanmoins, cet « act » permet aux Démocrates de présenter un début de bilan. Le contraire aurait été pire que tout, aussi bien électoralement que pour l’économie américaine. A noter que les présidents américains semblent avoir de plus en plus de mal à faire voter leurs programmes ; ce n’est pas non plus nouveau, mais c’est problématique vu l’état des infrastructures publiques du pays.

Ainsi, Inflation Reduction Act va dépenser 369 milliards pour les politiques énergétiques et pour faire face au changement climatique ; mais aussi 300 milliards pour réduire le déficit public ; trois ans de financement de l’ACA (Affordable Care Act = Obamacare) ; une réforme pour abaisser les prix des médicaments ; et une réforme de l’IRS (le fisc américain).

Côté revenus, il va désormais y avoir un taux d’imposition minimum sélectif de 15% pour les entreprises dont le revenu annuel des états financiers est supérieur à 1 milliard de dollars ; ce qui devrait rapporter 222 milliards de dollars à l’Etat. La réforme (évoquée plus haut dans cet article) de l’IRS doit aussi, par exemple, permettre de faire rentrer plus d’impôts.


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