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Les USA souhaitent-ils toujours faire régner la Pax Americana sur la planète ? Voici des éléments de réponse sur leurs intentions !

L’Amérique va-t-elle devoir partager sa domination de la planète avec d’autres puissances ? C’est la question que beaucoup de stratèges se posent depuis deux ans. Nous avons étudié le numéro de novembre/décembre 2023 de Foreign Affairs et quelques autres revues afin de savoir comment les élites américaines voient le futur de leur puissance nationale dans le jeu des relations internationales. Voici un début de réponse avec notre revue de presse !

Rappel historique de la domination américaine

Durant le siècle écoulé, la puissance américaine s’est imposée en plusieurs phases différentes. D’abord, suite à la Seconde Guerre Mondiale, le monde a été divisé en deux parties, ce qu’on appelait un monde bipolaire, entre les pays qui d’une part étaient sous domination du pôle Soviétique, et de l’autre « le camp de la liberté », avec les USA. C’était aors le temps de la Guerre Froide (avec tout de même beaucoup de « guerres chaudes » entre les partisans des deux camps sur divers continents). Puis, à partir de 1989 et la disparition de l’URSS, il n’y a plus qu’une seule vision du monde qui domine : libérale et portée par les Etats-Unis. Ils sont considérés comme les « gendarmes du monde », et en tout cas imposent une certaine « pax americana » en référence à la Pax Romana : si ton pays vis sous la domination de Rome sans faire de vague alors il bénéficiera d’une paix garantie et tu auras dans ce cadre liberté et prospérité. Cette « Pax » s’applique quand Rome n’a pas de véritable concurrent, et c’est ce qui s’est passé après la chute de l’URSS et jusqu’à ces dernières années : les Etats-Unis étaient seuls à dominer (avec l’OTAN, et les autres organisations internationales partenaires).


Depuis quelques semaines c’est un peu la compétition entre géopoliticiens qui publient des livres expliquant qu’on a face à nous un « choc des civilisations », passant par une « désoccidentalisation » et une « dédollarisation » de la planète : il s’agirait de la naissance d’un « monde multipolaire ».


DESOCCIDENTALISATION ?

Depuis deux ans l’actualité montre que les alliances des pays occidentaux sont bousculées, malmenées, un peu partout sur la planète.

Dans l’article qui suit nous allons traiter des points de vues américains, mais mentionnons ici différents livres francophones qui commencent à traiter de cette question. C’est le cas avec «Désoccidentalisation. Repenser l’ordre du monde» de Didier Billion et Christophe Ventura, sorti le 19 octobre.

Le même mois a été publié « L’ère de l’affirmation : répondre au défi de la désoccidentalisation » par Max-Erwann Gastineau.

Le 16 novembre a été sorti « La Guerre des mondes : le retour de la géopolitique et le choc des empires« , par Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique.

Un peu de lecture ne peut pas faire de mal : Rappelons que les analystes et les gouvernements n’ont pas su prévoir l’attaque Russe en Ukraine (à part la Maison Blanche), ni l’attaque du Hamas du 7 octobre ou encore les différents et récents coups d’états en Afrique…


Pour le « Choc des civilisations » ils retardent un peu, puisque c’est une référence au livre publié par Samuel Huntington en 1996, contesté par (à peu près) tout les géopoiliticiens depuis sa parution (ce qui ne veut pas dire qu’il avait complètement tort). Huntington pensait que, suite à la fin de la Guerre Froide (USA/URSS), le monde allait se diviser en grands blocs civilisationnels antagonistes. Cette recomposition identitaire semble effectivement être partiellement en cours, même si les antagonismes et conflits ne sont – heureusement – pas l’alpha et l’omega des relations diplomatiques entre les continents. Mais, c’est vrai qu’il y a des tensions entre les continents et les civilisations. Certaines sont d’ailleurs saines :  jusqu’à présent par exemple la Chine ne cherche qu’à faire du commerce, et pas à annexer le Congo ou la Moldavie. Elle n’essaye pas d’exporter sa vision du monde (comme les Etats-Unis l’ont parfois fait ou, comme à l’époque l’URSS imposait le communisme).

Comme chacun a pu le constater, c’est plus difficile en ce moment avec la Russie ou avec l’Iran, mais même la Chine soutient ici et là des alliances hostiles à l’Ouest. C’est notamment le cas depuis la création du groupe des BRICS en 2011 et leur renforcement progressif.

Après le « monde bipolaire » et la « Pax Americana », il est quand même un peu tôt pour donner un nom à la troisième phase dans laquelle la puissance américaine vient d’entrer. « Monde multipolaire ? » Ca reste encore à confirmer. On se méfiera aussi des mauvais oracles annonçant « le déclin de l’empire américain », car ça fait cinquante ans qu’ils en annoncent la chute.

En tout cas, la différence majeure avec le passé récent, c’est que les Etats-Unis doivent désormais composer sur la planète avec des puissances majeures, nucléaires, ce qui n’était pas le cas durant les années précédentes. Une autre nouveauté, c’est que les économies avec ces pays sont interconnectées et interdépendantes : le mondialisme économique est passé par là.

La puissance d’un pays ne se compare pas à l’aune des richesses nationales : l’URSS était bien moins riche que les USA et ça ne l’empêchait pas d’avoir une grande puissance et zone d’influence.

Mais, il faut quand même avoir un minimum de rendement économique pour pouvoir faire face aux défis du XXIe siècle. Même les Etats-Unis n’ont plus les moyens de TOUT faire.

Les USA souhaitent-ils toujours faire régner la Pax Americana sur la planète ? Voici plusieurs éléments de réponse !
Les USA souhaitent-ils toujours faire régner la Pax Americana sur la planète ? Voici plusieurs éléments de réponse !

Dans son introduction au numéro de Foreign Affairs (1), Jack Sullivan (conseiller à la sécurité du président Biden) admet (2) que le départ d’Afghanistan en 2021 était « douloureux (…) mais il était nécessaire de préparer les armées américaines pour les défis à venir. L’un d’entre eux est même arrivé plus vite que nous ne l’avions anticipé, avec la brutale invasion de l’Ukraine par la Russie ».

Vouloir être « le gendarme du monde » va ainsi être beaucoup plus couteux à l’avenir.

Alors, quelle est la volonté actuelle des Américains ? Sont-ils favorables à la poursuite de la Pax Americana ? Ils sont assez divisés. Hormis le soutien à Israël qui semble acquis pour un grand nombre, généralement les citoyens se lassent des conflits, notamment ceux où leurs armées s’enlisent : Vietnam, Irak, Afghanistan… Après quelques années les Américains deviennent hostiles à la présence de leurs armées à l’étranger. On le voit actuellement dans le soutien économique au gouvernement ukrainien : progressivement, les Américains se lassent. 

Jusqu’en 2016, la classe politique était pour sa part plutôt unanime dans son soutien aux différentes guerres, et seule une gauche radicale s’affichait comme très pacifiste. Mais en 2016 la candidature et la victoire de Donald Trump s’est faite, entre autres, sur des promesses pacifistes. Quatre ans plus tard, lors de la campagne de 2020, Trump et ses partisans mettaient en avant le fait qu’il était le seul récent président à ne pas avoir débuté de conflit international. Et pour 2024 Trump assure que les guerres qui ont débuté ces dernières années n’auraient pas eu lieu s’il était resté président.

Avant la prise de parole de son père le 8 novembre 2023 à Miami, Donald Trump Jr pose la question aux 10 000 personnes présentes dans le stade à propos du président républicain du sénat : « Mitch McConnell dit que de financer la guerre en Ukraine est la priorité n°1. Levez la main ceux d’entre vous qui pensent que ça devrait faire partie des 10 priorités du gouvernement ? » Et pas une seule des personnes présentes ne lève la main. « Je n’enverrai pas mes enfants ni les votre mourrir pour que Zelensky puisse s’acheter une nouvelle maison.« 

D’ailleurs, dès la page 2 de l’article de Jake Sullivan, le conseiller de Biden résume le principal problème de la stratégie internationale américaine en cinq lettres : T-R-U-M-P ! On sent que le pacifisme de l’ex-président républicain exaspère, mais c’est surtout le fait que Trump ait donné l’impression aux autres pays partenaires des Etats-Unis qu’il en avait un peu rien à faire des alliances internationales économiques comme militaires. « America First », disait Trump.

Le problème des politiciens américains, c’est qu’un un grand nombre de leurs concitoyens donnent raison à Trump (et en 2016 c’était même une majorité). Peu de courants politiques sont sur cette même ligne que Trump : comme évoqué il y a une gauche radicale pacifiste, et c’est aussi le cas des paléoconservateurs (par exemple le magazine The American Conservative est vent debout depuis des décennies contre la plupart des engagements militaires des Américains). Leur couverture de novembre-décembre titre sur « les origines américaines de la guerre d’Ukraine » et un article du 2 novembre s’en prend à la Maison Blanche (3) en commençant ainsi : « Dans un monde en feu, l’administration Biden a lancé une nouvelle série de frappes aériennes contre les forces liées à l’Iran qui soutiennent le gouvernement syrien. Les responsables américains ont revendiqué la « légitime défense » par la force d’invasion américaine qui occupe illégalement le territoire syrien, pille ses ressources et sanctionne son gouvernement. La politique étrangère de Washington rencontre le « 1984 » de George Orwell« , assurent-ils pour souligner ce qu’ils pensent être des incohérences agressives.

Au contraire, si la grande revue républicaine « National Review » titre dans son numéro de novembre 2023 « The End of the Pax Americana » (4), c’est pour la regretter cette « pax » au vu des massacres récents (Israël, Ukraine…). « Alors que les Américains sont contraints d’assister à un nombre croissant d’attaques contre la suprématie occidentale, ils ont également eu un aperçu horrible de ce à quoi ressemblerait un monde post-américain. (…) Les États-Unis doivent réaffirmer leur engagement à construire une industrie de défense locale pour réarmer leurs partenaires assiégés et faire de leurs alliés des forteresses imprenables. (…) Cela nécessitera également un budget de défense américain plus important. Ce sera une pilule difficile à avaler pour beaucoup. (…) Beaucoup rejetteront ce diagnostic et ses prescriptions. Ils apaiseront leurs électeurs, leur promettront la paix à perpétuité à peu de frais et fustigeront les yeux clairs qui voient les nuages d’orage s’accumuler à l’horizon. Mais ils auront tort. La Pax Americana touche à sa fin. Nous l’avons gaspillé en nous livrant au fantasme selon lequel la menace la plus grave pour le pays était l’autre parti. Nous devons aux générations futures de consolider l’ordre géopolitique que nous avons longtemps tenu pour acquis. Le monde devient extrêmement dangereux. Le moment est venu d’affronter ce danger. »

Ces Républicains ne semblent donc pas en phase avec les trumpistes, mais ils le sont avec les Démocrates. Reprenons sur la vision de Jack Sullivan et de la Maison Blanche dans Foreign Affairs : « Une grande partie du monde n’est pas préoccupée par les conflits géopolitiques ; la plupart des pays veulent savoir qu’ils ont des partenaires qui peuvent les aider à résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés, dont certains semblent existentiels. Pour ces pays, le reproche n’est pas qu’il y ait trop d’Amérique mais pas assez. Oui, disent-ils, nous voyons les pièges du rapprochement avec les grandes puissances autoritaires, mais quelle est votre alternative ? Le président Biden le comprend. Là où les États-Unis étaient absents, ils sont désormais compétitifs. Là où ils étaient compétitifs, ils prennent désormais les devants avec urgence et détermination. Et ils le font en partenariat avec d’autres pays, pour trouver comment résoudre ensemble les problèmes urgents. »

Mieux vaut parfois quand même rester modeste si on veut être crédible. On peut ainsi déduire que cet article publié en novembre a été écrit avant le 7 octobre quand on lit dans la version imprimée cette vantardise consternante du conseiller de Biden : « face à de réelles frictions, nous avons désamorcé les crises à Gaza et rétabli la diplomatie directe entre les parties après des années d’absence. » Mais la réalité en Israël conforte quand même l’analyse démocrate sur ce point : le monde n’est pas moins dangereux qu’avant.

Aussi bien dans les approches de ces Démocrates que des Républicains qui regrettent la Pax Americana, on ne peut lire aucun regret pour les erreurs (notamment militaires) des interventions américaines à l’étranger durant le siècle écoulé. Mais on a quand même une approche un peu différente, ici avec Jake Sullivan : « Contrairement à la Guerre Froide, les États-Unis éviteront la tentation de voir le monde uniquement à travers le prisme de la compétition géopolitique ou de traiter ces pays comme des lieux pour des conflits par procuration. Au lieu de cela, il continuera à collaborer avec eux selon leurs propres termes. Washington devrait être réaliste quant à ses attentes lorsqu’il traite avec ces pays, en respectant leur souveraineté et leur droit de prendre des décisions qui servent leurs propres intérêts. » Espérons que ce soit vrai !

Cette « Pax Americana du futur » passera donc par un investissement militaire colossal. Les USA dépensent déjà plus en budget de défense que le cumul des dix autres pays qui les suivent (Chine, Russie…), mais, pour maintenir (ou tenter de maintenir) la Pax Americana, ça devra être accentué. Dans l’article suivant de Foreign Affairs, Robert M. Gates (ex-secretary of defense 2006-2011 et ex-directeur de la CIA 1991-1993) le précise : « En fin de compte, les États-Unis ont besoin de plus de puissance militaire pour faire face aux menaces auxquelles ils sont confrontés, mais le Congrès et le pouvoir exécutif se heurtent à de nombreux obstacles pour atteindre cet objectif. (…) Les Américains doivent comprendre pourquoi le leadership global des U.S, en dépit de ses coûts, est vital afin de préserver paix et prospérité. (…) Un monde sans un leadership U.S fiable serait un monde de prédateurs autoritaires, avec tous les autres pays comme proies potentielles. Si l’Amérique veut être le protecteur de son peuple, de sa sécurité et de sa liberté.: elle doit continuer dans son rôle de leader global ». 

La seule différence, pour eux, avec le passé, c’est que ça va coûter plus cher. Beaucoup plus cher, par exemple en armement régulier. Mais la compétition nucléaire a également repris… ce qui ne va pas alléger la facture pour le contribuable ! Notons qu’il n’est pas vraiment nouveau que les Etats-Unis souhaitent maintenir une écrasante supériorité de ses technologies militaires : ça a toujours été le cas (depuis les guerres contre les « indiens »). Ce qui est nouveau, en revanche, c’est la taille de la dette publique : difficile d’imaginer comment tout ça va être financé.

Bien entendu, le logiciel diplomatique défendu par Foreign Affairs (et la Maison Blanche) ne passe pas uniquement par l’armement, mais avant tout par le développement économique des pays partenaires, les alliances commerciales internationales. C’est vrai que, jusqu’à présent, développement et prospérité sont souvent synonymes de paix.

Xi Jinping aux USA

La visite du président Chinois en novembre semble s’être bien passée sur le fond (sur la forme, Joe Biden l’a qualifié de «dictateur», ce qui a été moyennement apprécié en Chine). Pour Xi : « Quel que soit le stade de développement que nous pourrions atteindre, nous ne rechercherons jamais l’hégémonie ou l’expansion, et n’imposerons jamais notre volonté aux autres. » Pour lui, la Chine ne cherche pas à « surpasser ou à évincer les Etats-Unis », et il a assuré que « les Etats-Unis ne devraient pas tenter de réprimer et de maîtriser la Chine », assurant que les deux pays ne pouvaient pas se « tourner le dos ».

Chacun se fera son opinion sur qui a raison et qui a tort, mais les débats risquent d’être chauds durant la campagne électorale américaine.

S’il y en a un qui avait tort en tout cas, c’est le philosophe Francis Fukuyama quand il publiait en 1992 son livre « La fin de l’histoire » avec la victoire de l’ouest et du libéralisme. L’histoire va continuer… et peut-être pas avec moins d’ogives qu’avant !

Les jeux de dominations territoriales ou de « sphères d’influence » sont certes intéressants, mais rappelons à toutes fins utiles et pour ne pas perdre de vue l’essentiel que, depuis la Seconde Guerre Mondiale le droit international s’est développé – certes, de manière imparfaite, mais tout de même importante – afin de faciliter les relations entre les nations. Alors, que le futur soit « monopolaire » ou « multipolaire » ce qu’on attend surtout, c’est que les règles permettent de continuer à aller dans une direction meilleure et d’éviter au maximum les conflits.

1 – www.foreignaffairs.com/united-states/sources-american-power-biden-jake-sullivan

2 – Exactement ce que Le Courrier écrivait à l’époque : il n’y avait pas de « déballe » américaine en Afghanistan, mais une réaffectation des moyens face à de nouveaux challenges.

3 – www.theamericanconservative.com/george-orwells-1984-in-washington/

4 – www.nationalreview.com/magazine/2023/11/israel-hamas-and-the-end-of-pax-americana/


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