Avec les joueurs de Pelote Basque de Floride
Chez eux, au Pays Basque, il y a des grands murs partout, dans tous les villages. Ici, en Floride, il y en a beaucoup moins, et même, ces dernières décennies, certains frontons ont malheureusement été rasés, alors que d’autres étaient abandonnés, comme par exemple celui de West Palm Beach où quasi plus personne ne se souvient des Basques bondissants qui s’y affrontaient lors de parties du « sport le plus rapide du monde ». Mais le sud de la Floride est toujours l’endroit où se retrouvent les meilleurs joueurs. Et le plus prestigieux des « frontons » subsistants, aujourd’hui c’est celui du casino de Dania Beach, qui a pris l’avantage sur Miami depuis quelques années. Ici, quatre jeunes français sont au nombre des 26 joueurs qui s’affrontent sur le mur du « jai alai ». Parallèlement, ces quatre-là ont tous été champions de France : ce sont des stars au Pays Basque ! Comme des milliers d’autres gamins de là-bas, ils ont fait comme leur père : ils ont commencé par taper la balle avec la main sur le mur du garage familial. Un jour ils ont dû choisir entre le rugby et la pelote, et ils ont préféré suivre la voie de leurs idoles, Irastorza ou « Goiko » (etxea), et comme eux prendre l’avion pour aller déchirer l’air humide de Floride avec leur grande chistera (1).
Emmanuel « Manu » Laduche
Emmanuel « Manu » Laduche est un arrière de 34 ans et il est originaire d’Ahetze, un petit village entre Saint-Jean-de-Luz et Biarritz. « Depuis l’âge de 16 ans j’avais des contacts à Miami, je savais que j’allais venir mais tout le monde me disait de passer le bac d’abord. Ca n’a pas été facile d’attendre. J’étais en contact avec Eric Irastorza qui a facilité ma venue à Miami dès que j’ai eu 18 ans. Je suis resté jusqu’en 2017 au Casino de Miami qui s’appelait au départ « Miami Jai Alai »… je voyais que ça allait être compliqué là-bas, alors j’ai rejoins Dania Beach.«
Nicolas « Yeche » Eyheragaray
Nicolas « Yeche » Eyheragaray a 31 ans et est également arrière. Il vient de Mauléon. Il a d’abord été semi-pro en France, en alternance avec son métier de boulanger. Puis il a fait deux saisons à Fort Pierce et Orlando avant d’arriver à Dania en 2016. « mon père était président du club de Mauléon, donc j’ai baigné dedans toute ma vie.«
La « ceste punta » (pelote basque avec les grandes chisteras (1)) existe de longue date en Floride, mais sa présence a été démultipliée par la révolution communiste de 1959 à Cuba qui a interdit les jeux d’argent sur l’ile, et poussé ses champions à l’exil, tout comme un grand nombre de parieurs et de propriétaires de casinos (2) !
Ils jouent entre eux, les uns contre les autres, au sein de chaque casino. Evénement historique important : en 1988, une grève des joueurs n’avait pas eu les résultats escomptés. Les parieurs avaient alors arrêté de venir voir les parties. Pour aider le sport, le gouvernement de Floride avait en conséquence permis aux établissement de jeux (jaï alaï, courses de chevaux et de lévriers) de devenir des casinos (alors qu’auparavant il n’y avait que les « indiens » à avoir des établissements de jeux d’argent). Le cadeau était un peu empoisonné : depuis lors les casinos ont communiqué sur tous leurs jeux d’argent, mais pas sur la pelote basque ! « Ces dernières années il y a encore eu des terrains d’abandonnés« , expliquent des joueurs. « Et puis, au Casino de Miami qui était le plus célèbre, depuis quelques années ils jouent toute leurs saison en seulement deux mois, à raison de trois compétitions par jour, afin de remplir les quotas qui leur permettent de garder leur licence de casino » ! Bien entendu, quand les joueurs voient ça, ils sont dégoûtés. Heureusement il y a quelques signes d’espoir. « Le Magic City Casino de Miami a construit un mur de verre beaucoup plus petit que les nôtres, avec une balle plus molle, et ils jouent durant 10 mois de l’année. C’est nouveau, et ils communiquent beaucoup sur la pelote: on peut enfin voir des affiches de publicité sur notre sport le long de l’autoroute i95, ça fait du bien« .
« En février ils ont organisé un championnat des Etats-Unis, et c’était une première qu’on a apprécié, même si on était un peu perdus sur un court de pelote aussi petit« , expliquent Johan et Gorka qui y ont participé. Et apparemment un casino de Pompano Beach aurait aussi en projet d’ouvrir un petit jai alai de la même sort ! « S’il faut s’adapter pour que le sport évolue, alors c’est très bien », constate Manu Laduche. « Quand je vois des compétitions de billard sur les chaînes télé de sport comme ESPN, j’aurai du mal à comprendre qu’un sport aussi fascinant que le notre ne retrouve pas sa place« .
En tout cas les « Frenchies » croient et espèrent que leur sport pourra se redévelopper en Floride au lieu de se contracter comme ce fut le cas ici depuis le début du siècle. Finalement, dans le milieu des casinos de Floride, il y a désormais l’immense « guitare-hôtel » du Hard Rock qui domine le marché des machines à sous, et puis d’un autre côté les courses de chevaux sont rares et les courses de chiens viennent d’être interdites. Donc, pour se distinguer dans les milieux des jeux d’argent, quoi de mieux que de faire revivre ce sport fantastique qu’est la pelote ?!
Et même à Cuba on commence à se réintéresser aussi à ce sport que la Révolution communiste avait répudié. Peut-être qu’une nouvelle vitalité est en vue…
Johan et Gorka Sorozabal
Johan Sorozabal (un avant âgé de 18 ans) et Gorka Sorozabal (arrière, 19 ans) sont deux frères arrivés récemment à Dania, en provenance de Biarritz. Leur père a joué en pro au Connecticut, sur un fronton qui n’existe plus (non plus) depuis lors. Pour eux le chemin était donc tout tracé. Et n’y a-t-il pas trop de tentations dans la région de Miami quand on débarque seul à cet âge ? « Les bars et discothèques étant interdits aux moins de 21 ans, c’est plutôt limité pour nous. Bien sûr le cadre est fantastique et on en profite quand même bien« .
Photos de Johan Sorozabal :
C’est sûrement l’aîné des joueurs, Manu Laduche, qui parle le mieux des Sorozabal Bros’ : « Les frères ils ont deux qualités : ils aiment la pelote, et ils écoutent les conseils. Ils ne sont pas ici pour aller à la plage… et je pense qu’ils iront loin dans ce sport. Je m’en rappelle comme si c’était hier du jour où j’ai débarqué comme eux ici en Floride. C’était mon rêve, et je ne regrette rien. La famille me manque, la France aussi, c’est un bon pays, mais je suis super content à Miami. Ca fait déjà 16 ans que je suis ici et je ne pense pas que je vais en partir« .
Photos de Gorka Sorozabal :
A Dania, tous les quatre doivent affronter – parfois deux fois par jour – les autres joueurs… au nombre desquels on trouve les terreurs espagnoles les plus prestigieuses. Et qui sont les meilleurs ? « Franchement, depuis quelques années ils sont très bons…« , assurent les Français à propos de leurs adversaires. Mais avec des jeunes comme Johan et Gorka, la relève est en place, et les murs de Floride vont encore vibrer de nombreuses années !
L’entrée est gratuite pour aller voir les parties de pelote et encourager les joueurs. Achetez le programme à l’entrée, il comporte les, photos, stats et numéros des joueurs pour vous aider si vous voulez parier (sur les Français !!!).
CASINO ET JAI ALAI DE DANIA BEACH
301 E Dania Beach Blvd, Dania Beach, FL 33004
www.casinodaniabeach.com/jai-alai/
1 – « Chistera », c’est le nom de l’immense panier en osier qui prolonge leur bras.
2 – Le Courrier avait raconté toute l’histoire de la cesta punta en Floride dans cet article de 2013 :
Gloires et labeurs des champions basques de Floride
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