La France va tenter de censurer les « Fake News »
Adieu la liberté totale d’expression sur internet : cette fois il est possible d’affirmer qu’on va vers un constat de décès. Après l’Allemagne en juillet dernier, c’est le gouvernement Macron qui est en train de concocter une loi dans l’optique de censurer les « fake news », les fausses nouvelles sur internet. La loi pourrait être circonscrite aux temps de campagne électorale. La principale crainte du gouvernement, c’est l’influence de fausses nouvelles circulant à grande vitesse sur les réseaux sociaux durant les campagnes, et parfois grâce à du « boost » : une rémunération de Facebook par des personnes mal intentionnées afin que ces fausses nouvelles se répandent plus vite encore, comme cela s’est passé durant l’élection présidentielle américaine. Facebook lui-même cherche depuis des mois à trouver des solutions, sans y arriver. Le gouvernement allemand n’avait pas non plus réussi : la loi votée en juin se contentant de renforcer la pénalisation des éditeurs de réseaux sociaux en cas de délit, avec quatre handicaps de taille. Le premier, c’est que le mensonge ne peut pas en lui-même être considéré comme un délit. Le deuxième, c’est qu’il est impossible pour les réseaux sociaux – ni qui que ce soit d’ailleurs – de déterminer ce qui est vrai de ce qui ne l’est pas dans les milliards d’informations qui y sont publiées.
Photo ci-dessus : Emmanuel Macron et Vladimir Poutine (Crédit photo : Kremlin.ru (CC BY 4.0))
Quatrième point : les personnes ou gouvernements tentant d’entraver la liberté d’expression sont souvent qualifiées de vouloir instaurer une « police de la pensée », ce qui est difficile à assumer pour un grand nombre de politiciens.
Enfin, si en théorie Mark Zuckerberg (Facebook) et les autres éditeurs de réseaux sociaux devraient effectivement être a égalité des autres médias sur le plan pénal… il semble qu’aucun procureur n’ait, eux non plus, le cran de faire appliquer la loi, et de renvoyer les stars de l’internet devant les tribunaux comme ils ne se gênent pas pour le faire avec les autres médias.
De quoi sera faite cette nouvelle loi française ? Il est possible d’imaginer que les instances judiciaires pourraient ainsi faire le ménage à la place des réseaux sociaux. Sur dénonciation d’un particulier ou d’un parti politique, la police pourrait décider d’instruire ou pas la clôture d’un compte Facebook, la suspension de publication d’un contenu, puis de renvoyer l’affaire devant un tribunal. Au quel cas la police risque d’avoir à gérer des milliers de demandes, et d’être confrontée à des accusations de partialité dans le choix des personnes qui seront poursuivies.
Il faudra aussi pour les parlementaires français assumer de se faire traiter de « censeurs ». La France n’est pas dans la liste des douze pays « ennemis d’internet » établie par le rapport de ‘Reporters Sans Frontières’, mais elle est déjà dans la « deuxième liste », celle des « pays sous surveillance » en raison des multiples sites internet qui ont été interdits ou que le gouvernement a fait « déréférencer » par les moteurs de recherche.
‘La Quadrature du Net’ (association militant pour « l’internet libre ») rappelle qu’il existe déjà en France des lois permettant de bloquer le contenu visé par le président Macron. Dans un communiqué, elle précise aussi : « Emmanuel Macron base son effet d’annonce sur l’idée que « propager puissamment une fausse nouvelle sur les réseaux sociaux ne requiert aujourd’hui que quelques dizaines de milliers d’euros« . Il passe à côté de l’essentiel du débat : c’est le modèle économique des grands réseaux sociaux qui, de lui-même, favorise la propagation (gratuite) d’informations qui distordent le débat public, dont les fake-news (et ce toute l’année, période d’élection ou non). Les contenus affichés sur le fil d’actualité Facebook, ou les vidéos suggérées sur YouTube, par exemple, sont choisies par chacune de ces plateformes. Pour rentabiliser au mieux leurs services, ces entreprises ont tout intérêt à favoriser certains textes, images ou vidéos. » Et ‘La Quadrature’ de dénoncer la « prime au clic » et le ciblage des lecteurs sur Facebook ou Youtube. On ne saurait leur donner tort. Mais de là à ce qu’un gouvernement comprenne ces choses compliquées… et ose dire leurs quatre vérités aux « majors » de l’internet… il y aura eu de l’eau à couler sous les ponts de la Seine !
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