Jean-Eric Branna : « Trump a une stratégie pour sa réélection »
Jean-Eric Branaa, professeur à Paris II Assas et spécialiste du « phénomène Trump » faisait l’honneur au Courrier de Floride et au « Centre de la Francophonie de la Floride et des Caraïbes » (CFFC) de venir s’entretenir avec nous le 15 janvier dernier au Buena Vista Deli de Miami, une occasion plutôt rare de discuter de politique dans la communauté francophone, mais qui a connu son petit succès ce jour-là !
Jean-Eric Branaa vient de publier « Trumpland : portrait d’une Amérique divisée ». Quand il n’enseigne pas à Paris, Branaa sillonne les Etats-Unis et en étudie tous les aspects politiques. Ce qui lui a permis d’être un des rares intellectuels français à pronostiquer la victoire de Donald Trump aux dernières présidentielles. Pour lui, par delà les provocations, Donald Trump avait alors des intuitions stratégiques efficaces, et il les applique de nouveau aujourd’hui qu’il est à la Maison-Blanche, ce qui n’est pas forcément visible vu la fumée provoquée par « le feu et la furie » (titre du livre publié en décembre sur Donald Trump). Pour Jean-Eric Branaa, Trump est en train de mettre la main sur le Parti Républicain, et il pourrait même façonner à sa manière le Parti Démocrate. « En provoquant le chaos, Donald Trump pousse les Démocrates à faire élire des parlementaires radicaux anti-trump, ce qui pourrait enfermer le parti dans un débat stérile et empêcherait sa nécessaire reconstruction. Donald Trump aurait alors beau jeu de se présenter à l’élection présidentielle en victime du Parti Démocrate, et en mettant en avant son bilan, assurant aux Américains : « regardez, j’ai tenu mes promesses électorales malgré tout ce que les Démocrates ont tenté pour nuire à la présidence. » Pour filer la métaphore, on pourrait qualifier cela de « stratégie du matador » : le Parti Démocrate fonce tête baissée sur le mouchoir rouge agité par Donald Trump au lieu de chercher une porte de sortie. Jean-Eric Branaa a étayé sa théorie en mentionnant les nombreuses mesures que Donald Trump a mis en place, qui ne font pas tous les jours la Une des médias, car toujours largement camouflées par les écrans de fumée en provenance des deux camps. Le Courrier reviendra sur ces mesures dans les mois qui viennent, avant les élections de « mid-term », mais il n’est qu’à citer le « patriotisme économique » et les mesures de taxation des entreprises américaines produisant à l’étranger, accompagnées d’annonces de rapatriement des emplois aux Etats-Unis, comme par exemple avec Apple – d’ordinaire grand admirateur des ouvriers chinois – qui vient d’indiquer qu’il allait, contraint et forcé, créer 20000 emplois aux USA : Donald Trump et ses candidats crient déjà victoire, et d’autres exemples devraient suivre.
A propos des élections de mid-term, pour Jean-Eric Branaa, Donald Trump devrait pouvoir conserver la majorité au Sénat. « Ses candidats sont les mieux placés et dans des Etats qui lui sont favorables. En revanche, il devrait subir une large défaite à la Chambre.«
Toujours du point de vue de l’auteur, cette main basse de Donald Trump sur le Parti Républicain (qu’il aurait été bien difficile de prévoir il y a un an) dénote aussi une inflexion idéologique. « Je pense que Trump a dû sacrifier Steve Bannon pour avoir une marge de négociation avec ses adversaires, mais que son éminence grise est toujours dans le jeu : d’autres conseillers de la Maison Blanche, toujours en place, sont des proches de Bannon. Oui je pense qu’il y a un réel changement idéologique au Parti Républicain« .
Comme on le voit, Jean-Eric Branaa va chercher derrière les a-prioris et écrans de fumée des données politiques afin de comprendre l’actualité politique américaine, ce qui fait tout l’intérêt de son œuvre. Bien entendu, la « division » évoquée dans le titre du livre n’est pas que stratégique, mais aussi raciale, économique et sociale. Pour en savoir plus, le livre « Trumpland : Portrait d’une Amérique divisée » est en vente sur : https://www.amazon.fr/Trumpland-Portrait-dune-Am%C3%A9rique-divis%C3%A9e/dp/2708944657
Merci à Benoît Duverneuil (CFFC) et à Corinne (du Buena Vista Deli) pour la co-organisation.
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