Milena Di Maulo : « En Floride j’ai fréquenté toutes les mafias du monde »
Interview choc sur ses années en Floride avec Milena Di Maulo, fille du mafioso Joe Di Maulo, qui vient de publier un livre sur sa vie avec la mafia au Québec et à Miami.
Voir aussi notre article sur son livre :
Milena Di Maulo raconte la mafia au Québec et en Floride dans un livre sortant le 22 janvier
LE COURRIER DE FLORIDE : N’avez-vous pas été traumatisée d’arriver brutalement, à l’âge de 5 ans, dans une école américaine de Hollywood-Florida ?
MILENA DI MAULO : Je ne savais pas pourquoi nous avions dû subitement quitter Montréal. Mon père se cachait ici. A cet âge-là on ne réalise pas ce qui se passe. Bien sûr on a un sentiment d’anxiété, et ça n’avait pas été facile de commencer l’école en Floride, mais bon je faisais de la gym, de la danse, ça avait compensé. Ensuite j’ai pris du plaisir à revenir tous les hivers dans notre maison de Willie Street à Hollywood.
LE C.D.F : Très jeune, vous avez déjà assisté ici à des scènes incroyables …
M.D.M : Mon père avait racheté le Barcelona, le club du célèbre hôtel Fontainebleau de Miami Beach, et quand j’avais entre 7 et 10 ans, il m’y emmenait régulièrement. D’une part j’y ai rencontré Franck Sinatra, Sammy Davis Junior ou Dean Martin, mais en même temps c’est vrai que c’était le gros gang du crime organisé : tous les mafieux de Montréal, de New-York et de partout étaient là ! Je ne suis pas certaine que c’était une bonne idée d’emmener une enfant de 7 ans là-bas. Tout cela m’impressionnait, comme ces jolies barmaids … c’est là que j’ai pris le goût pour les clubs.
LE C.D.F : Ca ressemble à la série Magic City cette première époque ! Les Italiens étaient-ils surtout ici « en vacances » ou bien avaient-ils beaucoup d’affaires en Floride comme votre père au Fontainebleau ?
M.D.M : Il y avait beaucoup d’Italiens en affaires entre le Canada, la Floride et les îles des Caraïbes, c’était très international. Il y a eu aussi beaucoup de trafic de voitures volées au Canada et qui étaient revendues ici.
LE C.D.F : Et Quand quelqu’un était recherché par la police au Québec, la Floride était la solution évidente ?
M.D.M : C’était très facile à l’époque, on demandait seulement le permis de conduire à la frontière… et il n’y avait pas de photo dessus. Donc beaucoup avaient de faux permis. Une fois en Floride, certains partaient ensuite pour se cacher dans les îles des Caraïbes. J’imagine que c’est moins facile maintenant…
LE C.D.F : Vous êtes donc revenue toute seule étant adolescente dans les années 1980 …
M.D.M : Oui, à l’âge de 15 ans je suis venue habiter dans la maison d’Hollywood pendant un an, et puis par la suite je faisais la star entre les deux pays jusqu’au début des années 1990.
« J’ai vu des centaines de barils de cocaïne alignés sur les quais de Fort Lauderdale »
LE C.D.F : Vous décrivez dans votre livre des valises de dollars et des nuages de cocaïne lors de vos séjours d’adolescente … Et en même temps c’étaient les « années Escobar »… la Floride était-elle si mal famée que ça ?
M.D.M : Oui il y avait beaucoup de gangsters. Il y en a encore beaucoup, et il y en aura toujours. Mais c’est vrai que certains endroits étaient alors assez « stupéfiants ». Etant la fille de Joe Di Maulo, les tapis rouges se déroulaient partout devant moi : salons VIP, « champaign rooms », la vie de jet set avec, oui, de la cocaïne partout. Rien n’était trop beau pour Milena Di Maulo ! Tout était glamour, tout le monde y avait de l’argent, dépensait, consommait. Un jour on était aux Bahamas, le lendemain au Diplomat de Hollywood … C’était quand même assez différent de maintenant, car la cocaïne rentrait chaque jour en Floride par avion et bateau, et personne ne faisait rien contre ça. Je suis restée trois ans avec Manuel, un Cubain qui en importait de la Jamaïque … donc, oui, j’ai vu beaucoup de drogue passer. Ca m’est arrivée d’accompagner des « amis » dans des entrepôts ou de voir des centaines de barils de cocaïne alignés sur les quais de Fort Lauderdale …
LE C.D.F : Quels clubs, fréquentiez-vous alors ?
M.D.M : Le Studio 51, le Confetti ou le Christopher à Fort Lauderdale, G-Willikers à Pompano, G-Wiz à Miami, le Sugar’s, le Bootlegger : on les faisait tous ! Et j’étais proche des frères Darpino, propriétaires d’hotels et pizzerias. J’ai rencontré Burt Reynolds à son restau, Blackie au Bahia Mar, George Michael, etc. C’était ma vie.
LE C.D.F : Vous avez eu aussi cet effroyable épisode avec votre amie …
M.D.M : Oui, Helene Nuckle. C’était une amie canadienne que j’avais invitée à passer l’hiver à la maison, et elle avait voulu rester ; elle travaillait à Dania. Et puis un soir des amis nous ont invités à passer la soirée avec eux. Moi je ne me sentais pas bien et je suis restée à la maison. A 5h du matin les policiers sont venus sonner à ma porte : elle avait été violée et tuée, son corps retrouvé dans un canal de Fort Lauderdale. J’ai eu beaucoup de mal à vivre avec ça durant 4 ans, jusqu’à l’arrestation des jeunes de Philadelphie qui l’avaient tué.
LE C.D.F : Et c’est aussi en Floride que vous vous êtes réfugiée au moment de votre divorce …
M.D.M : Vers Fort Myers, effectivement. Mais j’ai en fait passé 80% de ma vie en Floride. D’ailleurs j’y cherche actuellement quelque chose entre Dania Beach et South Beach. Malgré tout, la Floride ce sont les bons souvenirs de ma vie.
LE C.D.F : Et que faites vous désormais ?
M.D.M : Là je me repose ; je profite de la vie dans les Laurentides, avec mes deux enfants et nos chiens !
LE C.D.F : Votre père a été assassiné en 2012 … tout cela … c’était hier ?
M.D.M : Oui, mais ça fait 25 ans qu’on me demande de faire un livre sur le sujet, et je vous avoue que pour moi, arrivée à l’âge de 50 ans, ça a été une grande libération de le faire. Ca m’a enlevée la colère qui était en moi depuis l’adolescence.
LE C.D.F : Et on vous a laissé sortir facilement du « milieu » ; des « tentacules de la pieuvre » ?
M.D.M : Quand mon époux s’est fait arrêter pour la deuxième fois, pour moi c’était terminé. Et vu que mon père était l’un des membres les plus influents de la mafia, ça a sûrement été plus facile pour moi d’en sortir que pour d’autres. C’est aussi et surtout le message que je souhaite faire passer dans mon livre à toutes les femmes qui seraient tentées de rentrer dans le milieu du crime organisé. C’est tentant pour une jeune fille de se laisser séduire par tout cet argent. Mais la suite n’est que larmes et violences.
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