Les Américains en quête d’immortalité
De nombreux projets scientifiques, notamment dans la Silicon Valley, relancent les espoirs de « vie éternelle », ou tout du moins, dans un premier temps, d’allongement considérable de la durée de la vie. Qu’en est-il vraiment ? Notre dossier.
Ils ne sont pas les premiers : de la quête du Saint Graal aux bains au lait d’âne de l’égyptienne Cléopatre ; de la quête de la « Fontaine de Jouvence » en Floride par l’Espagnol Ponce de Leon, aux inventions « scientifiques » loufoques comme le transfert de « jeune sang » ou les greffes de testicules de chimpanzé (oui, un Russe l’a fait en 1920 !) : la vie éternelle est une obsession humaine que seule la religion a pour le moment réussi à apporter.
Mais l’allongement important de la durée de vie durant le XXème siècle grâce aux avancées médicales et scientifiques a relancé les spéculations. Seul problème, ce qui s’est allongé, c’est bien « la moyenne de durée de vie ». Car, si la durée maximale a été repoussée (notamment par la française Jeanne Calment, qui détient le record avec 122 ans), il se pourrait qu’en l’état il ne soit pas possible de vivre plus longtemps que ça ; que la vie d’un humain ait ainsi atteint un seuil maximal. C’est en tout cas l’avis de nombreux scientifiques. D’où… la nécessité pour certains de « modifier l’homme », de « créer une nouvelle espèce », « génétiquement améliorée ». Certaines tortues terrestres arrivent bien à vivre plus de 250 ans, et des méduses ont la réputation scientifique d’être quasi-immortelles (quand elles ne sont pas avalées par des prédateurs). Il suffirait d’en copier les gênes pour être ainsi… médusés !
Il y a donc deux manières de repousser les limites de l’âge : l’optimisation de la santé de chaque individu ou son optimisation génétique.
L’OPTIMISATION DE LA SANTE
Si la quête de l’immortalité est vieille comme le monde, celle de l’optimisation de la santé est beaucoup plus récente (en dehors du corps médical et scientifique dont c’est le métier depuis toujours). Le XXème siècle a montré qu’en prenant soin de soi, on pouvait vivre plus longtemps. Et les Américains y ont avant tout le monde vu un intérêt : se mettant en très grand nombre à l’exercice physique, et bannissant la Marlboro de leurs traditions culturelles. On notera toutefois au passage que le nombre de morts violentes de personnes non-retraitées n’a cessé dans le même temps d’augmenter : suicides, maladies, overdoses et aussi cirrhoses provenant de la consommation d’alcool, mais aussi et surtout de la surconsommation de sucres alimentaires. Comme quoi… une société voulant être saine… ne le devient pas forcément.
Alors, qu’est-ce que la science a prévu pour optimiser sa durée de vie ?
LE SCAN ADN INDIVIDUEL
Créée en 2015, la société Health Nucleus propose des scanners de votre propre ADN. Pour (seulement !) 25000$, vous vous retrouvez avec une carte complète de votre génome, ce qui peut permettre de à des médecins de connaître vos failles médicales et certains risques que vous courez, par exemple cancéreux.
LA « SUPER-PILULE »
Les compléments nutritifs ne sont pas nouveaux, mais la Silicon Valley et ses chercheurs continuent leur quête de la « pilule parfaite » afin d’améliorer vos cellules et leur durée de vie. Certaines sont déjà consommées par un grand nombre d’Américains, comme par exemple celle d’Elysium Health. Une pilule par jour, 50$ par mois, et au final… ben on ne sait pas trop quel bénéfice ! D’autres sociétés, comme Nootrobox, fabriquent des « super-pilules » afin d’améliorer les performances du cerveau. De même, s’il y a déjà des clients, ils n’ont pas encore manifesté de super-pouvoirs intellectuels !
D’AUTRES METHODES
Récemment, la société américaine Ambrosia a vendu à cinquante personnes (et au prix de 8000$) des transfusions sanguines provenant d’humains âgés de 16 à 25 ans. C’est pas très cher, ce n’est pas une croyance nouvelle (de nombreuses tentatives ont eu lieu durant les deux siècles précédents), mais il n’est pas plus prouvé que cela fonctionne plus qu’à l’époque (1897) où Bram Stocker a écrit son « Dracula » (un temps où ce genre de questions sur l’ingestion ou le remplacement du sang à des fins de « jouvence » se posait déjà).
C’est quoi le « transhumanisme » ?
La médecine a toujours eu pour vocation de guérir ou de prévenir les maladies. Le transhumanisme est un courant de pensée composé de scientifiques, de philosophes, mais aussi d’artistes, qui pensent que l’homme peut désormais passer à la vitesse supérieure grâce aux nouvelles technologies : s’optimiser lui-même, devenir une nouvelle espèce, améliorée.
LA LUTTE CONTRE L’OBSOLENCENCE
Des sommes d’argent invraisemblables sont investies depuis plusieurs années dans les sociétés de la Silicon Valley spécialisées dans le « anti-aging », notamment par les pionniers de la révolution numérique qui voient peut-être l’heure de la retraite approcher trop vite. Obsolescence des cellules, des chromosomes, des muscles, du cerveau etc… Depuis 2015, la société BioViva rallonge ainsi les chromosomes de ses cobayes, ce qui aurait des implications avec la longévité.
Les partisans du transhumanisme obsédés par la lutte contre la mort sont surnommés les « extropiens ». Leur foi est basée sur les progrès scientifiques, et sur l’espoir que la robotique et l’intelligence artificielle viennent « améliorer l’humain ».
Larry Page, co-fondateur de Google, a ainsi investi 750 millions de dollars dans Calico, un laboratoire de recherche sur les technologies anti-âge. Larry Ellison, fondateur d’Oracle, a pour sa part créé l’Ellison Medical Foundation afin de financer des recherches anti-sénescence. Et il ne s’agit pas de simples financements de start-ups prometteuses comme durant les dernières décennies, mais bien d’une économie nouvelle avec des débouchés sérieux et des évolutions scientifiques intéressantes. D’autant que de riches (plus ou moins) anonymes investissent également dans cette nouvelle forme « d’assurance vie » toutefois un peu plus hypothétique que celles qu’on connaissait jusqu’à nos jours !
Le 27 mars 2017, c’était au tour d’Elon Musk (fondateur de PayPal, Tesla ou encore SpaceX) d’annoncer le lancement de Neuralink, une société qui se donne 5 ans avant de pouvoir commencer à implanter des composants électroniques dans le cerveau, afin « d’augmenter les capacités cérébrales »… A noter qu’un grand nombre de neuroscientifiques semblent trouver ce projet irréalisable.
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LES DUPLICATAS
Il faut noter que certaines entreprises explorent d’autres voies « d’immortalité ». Notamment celle de la copie, qui peut être de deux ordres : la copie physique (avec le clonage), et la copie des données du cerveau. Le clonage ne débouchera jamais sur une copie identique, et sa pratique remet en cause les fondements même de l’humanité. En revanche, la copie de la mémoire peut avoir des points intéressants. Bien entendu, la technologie n’en est qu’à ses balbutiements. Néanmoins il faut noter la greffe récente sur une souris de souvenirs qui n’étaient pas les siens. Même si le « transhumanisme » ouvre des voies qui pourraient être bien inquiétantes, d’un point de vue médical, on peut envisager des choses intéressantes, comme par exemple avec la maladie d’Alzheimer.
Enfin, il faut noter des avancées spectaculaires dans la cryogénie. Avancées qui ne servent à rien pour le moment, mais tout de même. Rappelons qu’il s’agit de congeler une personne afin de la « maintenir en vie » en attendant, la plupart du temps, que la science ait fait des progrès aptes à soigner sa maladie. On peut difficilement parler ici « d’immortalité » pour des personnes allongées dans un congélateur, mais en tout cas ça existe !
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SCIENCE, CROYANCE ET PARADOXES
En conclusion, mises à part les croyances imbéciles, l’innovation va tout de même bon train, et le développement des nano-technologies devrait pouvoir rapidement révolutionner la médecine. Les hommes et les femmes devraient ainsi avoir la possibilité de vivre en bonne santé plus longtemps, ça c’est certain. Pour le reste, rien n’est sûr. Mais vous devriez tout de même penser à éviter de mourir cette année… on ne sait jamais, si ça se trouve dans deux ou trois ans nous seront tous immortels !
Reste quelques réflexions philosophiques à avoir sur la place des personnes âgées dans nos sociétés. Si beaucoup cherchent à fuir la vieillesse, n’est-ce pas aussi parce qu’on n’accorde plus (ou pas assez) d’importance à nos aînés ?
Les croyances de la Silicon Valley montrent également un décalage entre d’une part les espoirs des Californiens, et de l’autre le reste de l’Amérique dont le vote lors de la dernière élection présidentielle montre plutôt une aspiration à des solutions immédiates pour des problèmes plus terre-à-terre : ce n’est pas l’Amérique toute entière qui a le temps de rêver ! En effet, à quoi cela sert-il d’être immortels si c’est pour indéfiniment porter son fardeau ?
Entre autres paradoxes, on peut aussi constater que depuis plusieurs décennies, de forts mouvements environnementalistes et partis politiques remettaient en question le force de la science pour régler les problèmes écologiques du présent et du futur. La foi en la science serait-elle de retour ?
Trois autres articles de notre dossier :
– Yuval Harari : L’homme va devenir Dieu
– Série TV Black Mirror : le transhumanisme pour le pire
– Nouveau roman de George Saunders : discussions avec la mort
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