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« Le vide est immense quand c’est un géant qui s’en va… » : entretien avec Marie Griessinger Tapie à Miami 

Rencontre avec la belle-fille de Bernard Tapie, qui vient de publier un livre sur son célèbre beau-père.

Gabrielle HB Habada
Interview par Gabrielle HB Abada

En ce début d‘année politiquement ambitieuse, le consul honoraire de Belgique à Miami, Manuel Molina, a souhaité inviter quelques « happy few » francophones et francophiles de Floride, pour une soirée littéraire intimiste, afin de mettre à l’honneur une auteure de talent dont le parcours de vie a réuni la Belgique, la France et l’Amérique. Marie Griessinger Tapie y a écrit ses deux livres, dont le dernier, très médiatisé : « Tapie comme Bernard » publié aux éditions des Presses de la Cité.

Son style poétique reconnaissable s’élève, à mes yeux, au rang des chefs-d’œuvres littéraires tant il est subtil et travaillé, à l’instar des grands auteurs  qui savaient mêler l’introspection personnelle et la réflexion philosophique, tout en célébrant la nature, la liberté et l amour … 

Pour Marie Tapie c’est un naturel inné, la plume étant son jardin secret…

Photos de la soirée du consul de Belgique :

Ainsi, quand elle m’a demandé de mener cette interview littéraire à Miami, dans un style aussi direct que complice, j‘ai accepté avec émotions, tant ses 2 livres m’avaient ému aux larmes ; tout comme une œuvre picturale ou musicale peuvent changer une vie !

Nous avons alors partagé par la lecture de quelques passages du livre, l’héritage de la vie d’un homme incontestablement hors-normes qui à été pour Marie Griessinger-Tapie, un second père. Rencontré en 1991  alors qu’elle tombait amoureuse de son fils cadet : Laurent, devenu son mari depuis.

Rapidement le personnage singulier de Bernard Tapie, a inspiré Marie qui a débuté ce livre, à cœur ouvert, dés l’été 2015, pour offrir une sorte de journal de bord au rythme cadencé tel un film de la nouvelle vague, et pour se terminer bien après sa mort.

Bernard Tapie.
Bernard Tapie. Crédit photo : Marie Griessinger Tapie

En effet l’auteure a souhaité construire son livre en 2 parties et ainsi offrir une seconde partie plus étonnante encore par des témoignages intimes et surprenants …

Ce livre dispose d’une sincérité inattendue qui, réflexion faite, semble être la marque de fabrique de la tribu Tapie…

L’auteur nous transporte le temps d’ une décennie dans le quotidien minuté de l’homme d’affaires le plus inattendu des Français. Tantôt adulé parfois détesté, il avait tout d’un Donald Trump à la française…

Alors que nous installons ce dernier dans le bureau ovale de la Maison Blanche, je m’interroge sur ce que Bernard comme Tapie aurait pu penser de nos politiques actuels… et Marie nous accompagne et nous fait découvrir un regard nouveau sur l’homme au delà de son vivant.

…Les photos de la vie extraordinaire de Bernard Tapie défilent derrière nous lors de cette interview en public,… on pourrait entendre un papillon voler dans la foule d’invités, tous sont venus écouter ce témoignage comme en d’autres temps, on écoutait les témoins d’un prophète…

La présence de celui que l’on a surnommé « le géant » est palpable…

Et pour ceux qui pensent qu’il a tout perdu et rien laissé aux siens, je vous garantis que l’héritage est de taille !

Marie Griessinger Tapie.
Marie Griessinger Tapie.

– Gabrielle HB ABADA : Pouvez vous nous parler de l’inspiration derrière votre dernier livre :

Marie GRIESSINGER TAPIE : Bernard Tapie était mon beau-père et il avait tout d’un personnage romanesque, une personnalité extrêmement riche, une vie pleine de rebondissements. C’était une source d’inspiration inépuisable .

Quand j’ai commencé à écrire ce livre en 2015 je ne savais pas qu’il ne serait plus là quand je le terminerais. L’épreuve de sa maladie et de sa disparition m’ont énormément affectée et ont apporté encore une autre dimension à mon travail d’écriture .

GHBA : Le livre explore des sujets profonds, parfois même intimes. Comment avez vous trouvé l’équilibre entre partager vos expériences et respecter votre vie privée ?

MGT : Déjà en ayant les encouragements de Bernard à partager son histoire et à révéler l’homme qu’il était en privé, le père de famille.

L’idée était d’explorer son caractère complexe pour essayer de mieux comprendre le personnage, pas d’entrer dans du voyeurisme. Je l’ai fait avec beaucoup de pudeur ce que les critiques et les lecteurs ont d’ailleurs salué. Nous n’étions pas dans de l’étalage, mais au contraire dans un travail profond et minutieux pour décortiquer sa personnalité hors norme, ses rouages, ses parts d’ombre, ses failles aussi.

GHBA : Quel message espérez-vous que vos lecteur retirent de ce livre ?

MGT : Quoiqu’on pense de mon personnage, il donne à tous une admirable leçon de courage et d’optimisme. C’est encore plus frappant dans son combat contre la maladie. Le message qu’il transmet et qu’ont retenu les différents témoins qui interviennent dans la seconde partie du livre, en le fréquentant, est de ne jamais baisser les bras et de se dire que tout est possible . Xavier Niel le décrit d’ailleurs comme imbattable en matière d’optimisme.

Est-ce une force ou de l’inconscience ? J’opterai pour la première réponse .

GHBA : A l’avenir, avez-vous des projets littéraires qui s’écartent un peu de votre style actuel?

MGT : Je garderai ce style direct, vivant et poétique que j’affectionne.

Mais je serai probablement plus cette fois-ci dans du roman que dans du récit. J’ai la joie de poursuivre aux Presses de la Cité et je pense que le prochain livre devrait surprendre .

GHBA : Votre beau-père fut extrêmement malheureux que vous décidiez de partir aux USA. Vous dites qu’au moment d’aller prendre l’avion, il préfère aller dans sa chambre que de vous voir partir et vous dites « c’est le seul moment où je te vois manquer de courage ».

MGT : Oui le départ aux USA marque un tournant fort dans notre vie familiale parce que j’ai l impression que ce n est qu’à ce moment-là que nous avons vraiment coupé le cordon, à la quarantaine. Et cela a particulièrement affecté mon beau-père qui a tout fait pour nous retenir .

C’était d’autant plus difficile que je savais qu’il ne nous rendrait pas visite, car cela aurait été « accepter notre départ ».

Je me disais aussi « est-ce bien de priver les enfants de leurs grand-parents ? ». Et vice versa… Et en même temps nous offrions à nos enfants une ouverture sur le monde inouïe et la chance de devenir bilingues en anglais.

Dans tous les cas , ce sont des décisions délicates à prendre et beaucoup d’expatriés ressentent cette culpabilité de laisser leurs proches en France, surtout si l’un d’eux tombe malade.

GHBA : C’est d’ailleurs ce qui se passe, vous êtes aux USA et vous apprenez que Bernard a un cancer; comment réagissez-vous?

MGT : Au début mon mari faisait des aller -retours avec la France notamment pour accompagner son père aux chimiothérapies.

Mais la situation s’aggravant, cela devenait invivable. Nous avons préféré rentrer à Paris, ce qui nous a permi de passer la dernière année auprès de Bernard.

Nous avons vécu aussi en Belgique à une époque où mon père était malade. À ce moment-là, j’avais fait venir mes parents avec nous pour que nous soyons ensemble pour affronter cette épreuve. Mais c’est beaucoup plus simple de s’installer en Belgique…

GHBA : Vous parlez de votre beau-père dans tout le livre comme d’une personnalité qui prenait beaucoup d’espace. Vous dites, au moment de son décès : « Après c’est la vide. Et le vide est immense quand c’est un géant qui s’en va ». C’est pour cette raison que vous avez voulu partir aux USA. Il prenait trop de place dans votre vie ? 

MGT : Oui, c’était émotionnellement épuisant de vivre près de lui. Pas seulement à cause de sa personnalité mais de tout ce qu’il subissait médiatiquement et juridiquement. C était un « grand 8 » émotionnel.

GHBA : On dit souvent que Tapie aurait pu être américain. Vous le pensez aussi ? 

MGT : Oui parce que pour lui rien n’était impossible et il se nourrissait de ses rêves pour avancer …

Dès que nous avions un projet, il nous encourageait avec enthousiasme, mais il faillait « Think BIG ».

GHBA : D’ailleurs il avait des groupes de soutien aux USA , fan club , investisseurs. Pourquoi n’a t il jamais pris la décision de venir et de repartir à zéro ici ?

MGT : Il était profondément français … il ne parlait pas anglais et ne se sentait bien qu’en France. Et la fuite n’était pas dans son ADN. Il a voulu se battre jusqu’au bout dans le procès qui l’opposait au Crédit Lyonnais demandant même aux médecins d’éviter les anti douleurs et la morphine pour rester lucide et continuer son combat judiciaire.

Propos recueillis par Gabrielle HB Abada


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