La dix-huitième aventure de notre voisin francophone de Louisiane, le shérif-adjoint Dave Robicheaux, vient d’être publiée. Pour les fans, il s’agit toujours d’un petit événement. Et, si vous ne le connaissez pas encore… c’est peut-être l’occasion de s’y mettre !
Mais, si vous n’avez jamais essayé, sachez d’emblée que James Lee Burke n’est pas un écrivain de polar comme les autres. Son écriture est lumineuse, fine, sensible, en grande harmonie avec la nature ; et ses personnages très attachants tournent autour du célèbre shérif Robichaux. Le tout est érigé en monde clos, à part, sympathique, même si souvent violent et étouffant… et en tout cas assez semblable à la réalité. Sa réalité, c’est aussi un bout de culture française perdue dans les marécages à l’ouest de la Nouvelle-Orléans, que Burke fait vivre dans chacun de ses romans.
James Lee Burke aurait peut-être pu avoir le talent d’un James Ellroy s’il ne s’était ainsi embourbé toute sa vie dans les bayous de Louisiane en compagnie du personnage central de son oeuvre, ce Dave Robicheaux qui n’a jamais voulu mourir (même si les balles ont souvent sifflé près de ses oreilles). Mais c’est ainsi et, finalement, c’est vraiment pour le plus grand plaisir de ses fans que Burke reste un puriste du genre et de ces lieux chargés d’histoire. Si vous n’avez jamais ouvert un de ses livres alors courrez-y (le premier de la série s’appelle Prisonnier du Ciel) (un film avec Alec Baldwin en a été tiré, pour sa part intitulé Vengeance Froide). Et, si vous êtes de ceux qui ont tout lu jusqu’au 17e Robicheaux, et bien vous serez contenté une nouvelle fois par ce 18e livre. Une vieille et riche famille de la région et quelques truands psychopathes qui ont débarqué en ville ; une enquête que Robicheaux va mener avec opiniâtreté malgré les obstacles et les mises en garde : ça vous dit quelque chose ? C’est dans ce cadre étroit que Burke montre toute l’étendue de son talent et comble ses fans : l’écrivain ne fait que réinterpréter la Louisiane, tout en donnant au lecteur, livre après livre, une galerie de portraits toujours plus riche, attachante, contrastée… et musclée.
UN TINTIN CATHO DE LA CAMBROUSSE
En son centre s’escrime Dave « Belle-Mèche » Robicheaux qui – comme tous les cajuns – enveloppe sa personne dans les mêmes musiques zydeco jouées dans les fait-dodo depuis 50 ans. Il aime écouter ces ritournelles dans les bars mais, inscrit aux alcooliques anonymes, il ne fréquente désormais les établissements de boisson que pour les besoins de ses enquêtes. L’alcool est l’un de ses problèmes. La violence en est un autre, et pour ses deux maux qui rongent le néanmoins humaniste policier, la confession est sa méthode d’expiation. Son seul but est néanmoins de faire le bien autour de lui, et en premier lieu pour sa fille Alafair, symbole omniprésent du drame fondateur de cette saga. S’il avait pu, il serait resté dans son entreprise de location de bateaux, terminant ses journées à taquiner la carpe dans les marais. Mais, policier un jour… policier toujours : d’autant qu’ici, la Louisiane se charge de remobiliser ses défenseurs de l’ordre et du bien à mesure que les cadavres jonchent les rues, et que la terrifiante prison d’Angola demande sa pitance humaine.
Robicheaux : un « Tintin » catho et viril de la cambrousse avec – en guise de Milou – un diablotin qui flatte ses mauvais instincts… Dave n’est pas un super-flic, certes, mais il est tout de même loin de l’anti-héros. Allez, par delà l’explication des paradoxes, le mieux est tout de même d’y jeter un coup d’oeil, non ?
L‘arc-en-ciel de verre
En mai dernier, David Robicheaux a ainsi fait sa 18e apparition en français, sa langue maternelle. De retour à New Iberia, dans le pays Cajun, Dave est entraîné dans une enquête déchirante sur le meurtre de sept jeunes femmes. Alors que tout semble indiquer la piste d’un serial killer, la mort d’une étudiante, bien différente des marginales habituellement prises pour cible par les tueurs de femmes, l’intrigue. Robicheaux et son ami Clete s’en prennent aussitôt à Herman Stanga, maquereau et dealer notoire. La confrontation tourne à la bagarre devant témoins, ce qui place Clete dans une situation d’autant plus délicate que Stanga est à son tour assassiné. Dans le même temps, Alafair, la fille adoptive de Dave Robicheaux, est séduite par un écrivain issu d’un clan bien connu de Louisiane, des gens corrompus et manipulateurs qui font craindre le pire à Dave. Mais Alafair ne veut rien savoir et commence à s’éloigner de son père… Dave revient donc au pays dans ce 18e opus qui le voit néanmoins faire une petite incursion dans le Montana. Notre critique ? Génial, comme d’habitude !
James Lee Burke, L’arc-en-ciel de verre (The Glass Rainbow, 2010), Rivages/Thriller, 2013. Traduit par Christophe Mercier. 448 pages, 22 euros en version papier.
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