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Attentats : des conséquences internationales sur les libertés publiques

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Marche des Français sur Lincoln Road à Miami Beach, contre les attentats de Paris.

Voici, vu des Etats-Unis, un petit tour des conséquences des attentats parisiens sur les libertés publiques : transport aérien, liberté d’expression, cyberjihad ou cybercensure… vers un « patriot act » à la française ?

Immédiatement après les attentats, des conséquences diplomatiques sont apparues, et des élus ont aussi réclamé un “patriot act” en France, alors que le débat sur la liberté d’expression s’est rouvert.

Conséquence diplomatique la plus légère de ces attentats : une petite polémique transatlantique est née autour de l’absence des dignitaires américains de la marche nationale pour les victimes organisée à Paris. Mais les reproches n’émanaient pas tant de la France que de citoyens ou d’élus Américains contre leur propre administration. D’ailleurs le Secrétaire d’Etat John Kerry est venu en France dans les jours suivants, clôturant ainsi la polémique.

Dans les faits, les Etats-Unis ont immédiatement proposé leur aide aux pays touchés par le terrorisme (la Belgique a également eu à déplorer une fusillade terroriste le 15 janvier), et pour la symbolique, le président Obama s’était rendu immédiatement à l’ambassade de France à la suite des événements parisiens.

Mais par delà l’émotion et les inhérentes polémiques, il y aura évidemment des conséquences concrètes, à commencer par d’importants renforts pour la sécurité publique en France.

“LE TALON D’ACHILLE DE L’AMERIQUE”

Les auteurs de la tuerie de Charlie Hebdo, tous de nationalité française, étaient interdits de territoire aux Etats-Unis, car suspectés (à raison) d’appartenir à une organisation terroriste. La plupart des citoyens français n’étant pas dans leur cas, la France fait partie (comme tous les expatriés le savent) d’un programme d’exemption de visa appliqué aux ressortissants de 38 pays du monde leur facilitant l’entrée aux Etats-Unis. Mais la recrudescence d’actes terroristes commis par des ressortissants des pays européens a amené certains représentants américains à remettre en question ce programme d’exemption. Juste après les attaques à Paris, la sénatrice de Californie Dianne Feinstein, principale Démocrate au Comité du Renseignement du Sénat, a qualifié le programme d’exemption de visa de «talon d’Achille de l’Amérique». Les institutions en charge du tourisme ou du commerce international y sont pour leur part toujours favorables, comme la plupart des élus américains. Néanmoins, ce genre de questions ne se posaient pas auparavant.

VERS UN “PATRIOT ACT”  ?

Si les services de renseignement français n’ont pas pu savoir à quel moment les terroristes allaient passer à l’acte, ils étaient néanmoins suffisamment bien renseignés pour déjà connaître les futurs assassins et les surveiller… même si cette veille n’était pas permanente. Mais ces connaissances des réseaux potentiellement dangereux n’apparaissent plus suffisante à beaucoup de Français. «Il faudra bien entendu un Patriot Act à la française. Il faut une réponse ferme et globale», a déclaré l’ancienne ministre sarkozyste Valérie Pécresse (UMP). Le Patriot Act, c’est ce programme lancé en urgence par l’administration Bush après les attentats du 11 septembre 2001. Il restreint la vie privée au profit du renseignement et de la collecte d’informations, notamment en élargissant le champ des écoutes téléphoniques, en autorisant les perquisitions en l’absence de l’occupant d’un logement etc… Le Patriot Act est aussi à l’origine de la classification en “ennemi combattant” des djihadistes, qui sont jugés par des tribunaux militaires et enfermés dans des prisons plus ou moins secrètes, et en tout cas décriées – y compris par Barack Obama – telle celle de Guantanamo. La majorité des Français pensait jusqu’à maintenant que ce « Patriot Act » était une réaction disproportionnée aux attentats de 2001.

Valérie Pécresse a quelques alliés au sein de l’UMP, qui la soutiennent sur ce cap d’une “loi d’exception” mais d’autres se sont opposés à sa proposition, comme son ancien premier ministre François Fillon : «Aucune liberté ne doit être abandonnée et je n’ai pas proposé de modification législative fondamentale».

Mais il y aura vraisemblablement des réformes législatives, l’actuel premier ministre, Manuel Valls, l’ayant même évoqué. «Il ne faut pas partir de l’idée que rien ne doit bouger mais il ne faut surtout pas improviser. On ne va pas bâtir une législation dans la précipitation.» Néanmoins il n’a laissé que 8 jours de délai à son ministre de l’intérieur pour lui faire des propositions sur le contrôle d’internet et des réseaux sociaux.

Après les attentants, les ministres de l’intérieur de l’Union Européenne ont déjà évoqué la possibilité de créer une base de données permettant de stocker l’historique des déplacements en avion, par exemple.

DE NOMBREUSES LOIS SPECIFIQUES EXISTENT DEJA

En France, les lois spécifiques au terrorisme se sont en fait renforcées au fur et à mesure depuis les années 1980, allant de l’allongement de la durée de la garde-à-vue, jusqu’à la récente interdiction de sortie du territoire national pour un citoyen français qui “pourrait” se livrer à des actes terroristes à l’étranger (la loi a été votée afin de contrer le départ de milliers de Français partis faire le djihad avec l’Etat Islamique et Al Quaïda).

INTERNET DANS LE VISEUR

Mais s’il est une restriction des libertés qui risque d’intervenir rapidement dans plusieurs pays, c’est bien celle des sites internet. Non seulement les terroristes y font de la propagande à visage découvert (des milliers de vidéos publiées sur Youtube, par exemple, des journaux virtuels, des sites internet de propagande…), mais ils s’en servent également pour communiquer entre eux, en utilisant très souvent des sites dédiés au grand public. Un nouveau mode de comportement y est également apparu après les attentats de janvier : l’apologie du terrorisme, qui semble être sorti de la marginalité. En effet, plusieurs centaines d’ados français se sont félicités de ces 17 assassinats, entre autres sur leurs pages Facebook ou Twitter.

Si internet n’est pas une zone de non-droit (ceux qui se font attraper se font condamner), néanmoins il semble évident que les terroristes y sont à l’aise, et que des “loups solitaires” derrière leur écran d’ordinateur trouvent sur la toile toute matière à leurs fantasmes… et même des manuels pour fabriquer des bombes.

Certes, tout n’est pas toujours inutile, y compris sur internet, et on peut noter par exemple (et pour la petite histoire), ces djihadistes stupides qui oublient régulièrement d’enlever leur géolocalisation quand ils publient des messages sur Facebook depuis l’Irak ou la Syrie… et sont ainsi suivis à la trace par les services américains… jusqu’à élimination.

De l’autre côté de la Manche, le premier ministre britannique Cameron a pour sa part de-mandé à ce que des applica-tions de téléphonie sur internet comme WhatsApp ou Snapchat aient désormais des « backdoors » permettant aux services secrets d’écouter les conversations quand c’est nécessaire, précisant qu’en cas de refus il demanderait leur interdiction en Grande-Bretagne.

Ainsi, depuis un mois, la liberté absolue du “net” semble véritablement compromise.

Pour comparaison, les attentats en octobre contre deux militaires au Canada avaient entraîné de nombreuses réactions et des renforcements de la sécurité publique, mais ils n’avaient pas suscité de notable remise en question des législations et des libertés publiques. D’autres pays, comme la Grande-Bretagne, sont ainsi généralement plutôt favorables à la conservation des libertés face à ceux (les terroristes) qui souhaitent les mettre à mal. Il faut dire que l’Angleterre a longtemps dû s’habituer à vivre avec l’anxiété suscitée par les bombes de l’armée clandestine irlandaise (IRA), sans pour autant avoir un faible niveau de sécurité publique.

Mais la propagande djihadiste étant sans limite sur internet… les conséquences arriveront sans doute rapidement.

LEGALISER OU INTERDIRE LE BLASPHEME ?

Si le blasphème n’est pas interdit en France, il l’est néanmoins dans d’autres pays occidentaux, dont le Canada ou encore l’Irlande, des pays où des voix se sont élevées ces derniers jours afin d’abroger ces lois. Au Canada, les associations Humanist Canada et The Centre for Inquiry, vont ainsi demander au ministère de la Justice d’abolir la section 296 du Code Criminel, qui punit le blasphème de 2 ans de prison (mais n’a pas entraîné de procès depuis 1937).

Alors que des Canadiens réagissent ainsi par solidarité avec la France, un sondage publié par le JDD le 18 janvier indique que 42% des Français souhaitent désormais “éviter les caricatures de Mahomet”.

REFLEXIONS SUR LA LIBERTE D’EXPRESSION

Enfin, petit retour en Floride, où le Miami Herald a publié le 25 janvier un très long article titré : « Les arrestations en France posent une nouvelle question : la liberté d’expression est-elle pour tous ? ». Le modèle Français peut surprendre de ce côté-ci de l’Atlantique, où les Américains sont habitués à une liberté d’expression quasi-absolue.

L’article est illustré par une grande photo de « l’humoriste » Dieudonné. Selon le quotidien de Miami : « Les autorités françaises ont arrêté des dizaines de personnes – dont un comédien – pour avoir paru faire l’éloge des terroristes ou encourager à d’autres attaques. Cela a déclenché des accusations de « deux poids deux mesures », dans lequel la liberté d’expression s’applique à ceux qui se moquent de l’islam alors que les Musulmans sont pénalisés d’avoir exprimé leurs propres opinions provocatrices. » Voir cet article du Miami Herald

Le Herald ne rappelle malheureusement pas les propos qui ont entraînés ces condamnations en janvier, ni par exemple les déclarations postérieures de Dieudonné qui lui ont valu plusieurs condamnations. Cela aurait pu éclairer leurs lecteurs sur les différences existant en France entre d’une part la « liberté d’expression » et ce qui est considéré dans l’hexagone comme de la délinquance pure, (certaines de ces déclarations allant de toute évidence bien au-delà de la simple provocation).

G.G

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