Comment le fisc US traque les « Américains accidentels » en France, au Canada et ailleurs
Ils seraient 1 million au Canada et des dizaines (ou centaines) de milliers dans les pays d’Europe à être potentiellement en délicatesse avec leur banque… juste parce qu’ils sont nés aux Etats-Unis.
Il fut un temps où des femmes enceintes étrangères venaient accoucher aux Etats-Unis, pour en donner la nationalité à leurs enfants, et ainsi l’obtenir elles-mêmes. Mais pour ceux qui n’ont pas fait leur vie aux USA, qui y ont juste passé quelques jours ou quelques années, la nationalité américaine est peut-être en train de tourner au cauchemar, et en tout cas au casse-tête kafkaïen. En cause, la loi FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act), adoptée en 2010 par le Congrès américain afin de lutter contre la fraude de ses propres ressortissants vivant à l’étranger, et qui oblige désormais les banques étrangères à communiquer leurs revenus à l’IRS, le fisc américain. Ainsi les banques françaises, canadiennes ou autres doivent donner au fisc US le montant des revenus des personnes nées aux USA, même si elles n’y ont jamais remis les pieds depuis lors ! Et il y a des conséquences : par exemple des citoyens se sont vu refuser des assurances-vie par des banques car ils n’avaient pas déclaré leurs impôts à l’IRS.
FATCA était voté en 2010, mais l’obligation faite aux banques est entrée en application quelques années plus tard. En septembre 2014, les banques françaises avaient alors envoyé à leurs clients « suspects » d’être plus ou moins américains un courrier demandant de leur communiquer leur numéro fiscal aux USA… ou bien de renoncer à leur nationalité américaine ! Sans mise en conformité, l’IRS peut infliger des amendes d’un montant allant jusqu’à… 100 000$ !! Evidemment, face à cette menace, les banques sont devenues suspicieuses avec certains de leurs clients. Le casse-tête s’appliquant également aux banquiers qui, par peur de représailles de l’IRS, ont souvent refusé d’ouvrir en France des comptes pour des Français résidant aux USA.
Face à tous ces problèmes, des dizaines de milliers de personnes ont alors décidé de renoncer à leur américanité. Par exemple, 5411 Londoniens ont abandonné leur double-nationalité rien que pour l’année 2016 (dont Boris Johnson, ex-maire de Londres et actuel ministre des affaires étrangères !). Obtenir un numéro fiscal… ou cesser d’être américain : ce sont les deux options pour ne plus avoir de menaces de l’IRS. Mais pour ceux qui abandonnent leur nationalité c’est un autre casse-tête qui commence. En effet, pour pouvoir renoncer à la nationalité américaine, il faut d’abord obtenir… un numéro fiscal !!! Des personnes avec peu de moyens se retrouvent ainsi obligées de payer (plusieurs milliers de dollars) des avocats afin d’obtenir des papiers leur permettant d’enclencher la procédure de renoncement qui, pour sa part, coûte 2500$. Et Fabien Lehagre – qui a lancé en France le collectif des «Américains accidentels» – explique dans Le Figaro qu’il faut en plus « jurer sur la Bible qu’on ne renonce pas à la nationalité américaine pour des raisons fiscales. Le tout en anglais, après vous avoir laissé dans une pièce pour vous faire réfléchir» !
Une ouvrière bretonne confrontée à ce casse-tête témoigne dans Le Télégramme : « Certains soirs, je suis obligée de prendre des médicaments pour dormir » !
Au Canada, dès 2014 « L’Alliance pour la défense de la souveraineté canadienne » a attaqué le gouvernement du Canada en justice pour avoir ratifié le traité FATCA. Alors, pourquoi les gouvernements signent-ils ces traités américains sans protéger leurs citoyens qui peuvent ainsi se retrouver discriminés par leur banque ? Parce qu’ils ont peur des mesures de rétorsion du gouvernement américain. En 2014, par exemple, la Banque National de Paris (BNP-Paribas) a accepté de payer une amende de 9 milliards de dollars pour avoir enfreint l’embargo imposé par les Etats-Unis a certains pays avec lesquels la banque française avait tout de même commercé. Mieux valait payer 9 milliards plutôt que de se retrouver avec des mesures de rétorsion et d’exclusion des marchés de la part des USA ! Autant dire que, depuis lors, personne ne cherche à vexer les autorités bancaires américaines !
Ainsi les Etats-Unis sont le seul pays du monde à faire reposer la taxation sur la citoyenneté plutôt que sur le lieu de résidence. Mais l’abrogation de cette loi FATCA était au programme du Parti Républicain, dont le candidat est devenu président des Etats-Unis en janvier. Un projet de loi devrait donc être porté devant le Congrès dans les prochains mois afin d’abolir FATCA.
Si vous habitez aux Etats-Unis, vous devez savoir que FATCA oblige aussi les banques de votre pays d’origine à déclarer les revenus que vous pourriez y avoir… avec de forts redressements à la clé.
– L’Alliance pour la défense de la souveraineté canadienne : www.adcs-adsc.ca/ADSC.html
– Autre article : Jean-Luc Mélenchon veut imposer les expatriés français comme le font les Etats-Unis
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