L’Amérique a-t-elle une convulsion morale ? C’est la question que pose The Atlantic !
Le magazine The Atlantic a publié le 5 octobre une très longue analyse politique de David Brooks. Elle est d’autant plus intéressante que rares sont malheureusement aujourd’hui les personnes qui essayent comme lui d’avoir une vision large de l’état de l’Amérique. Voici le sous-titre de l’article : « Le degré de confiance dans ce pays, dans ses institutions, nos politiciens, et les uns envers les autres, est en déclin rapide. Et quand la confiance sociale s’effondre… les nations sont en échec. » Il met donc en perspective la déclin de la confiance avec de nouvelles exigences morales.
Cette perte de confiance est bien réelle (on peut d’ailleurs aussi y ajouter la perte de confiance dans les médias et dans les sources d’informations vérifiées), et elle est chiffrée dans l’article à l’aide des travaux des instituts de sondage. Perte de confiance, peur, défiance, cumulées à l’instabilité sociale, parfois à la précarité, entraînent différents changements chez nos contemporains aux Etats-Unis. Il semble bien réel qu’ils aient de plus en plus une soif de sécurité, contrairement aux générations précédentes, comme par exemple les très libertaires Boomers qui clamaient « interdit d’interdire » (2).
La radicalisation politique est bien réelle, et elle est d’ailleurs naturelle : quand une société va bien, il n’y a pas de raison d’en changer les règles. L’élection de Donald Trump en 2016 ou les succès du socialiste Bernie Sanders sont effectivement des signes d’une volonté de changement radical. Pour l’auteur, ils s’agit aussi d’une demande de moralisation de la part des électeurs. Ils souhaitent une sorte d’ordre moral afin de « sécuriser » une société devenue instable, et ne remplissant plus (pour eux en tout cas) la promesses « d’American Dream ». On objectera néanmoins que durant la primaire démocrate de 2020, Bernie Sanders a été écrasé par le centriste Joe Biden. Comme quoi, la radicalisation a ses limites. Mais, si elle est assez centriste, la campagne de Joe Biden est toutefois effectivement très morale, puisque basée sur l’antiracisme et une volonté d’équité sociale. De l’autre côté, un grand nombre d’électeurs de Donald Trump souhaitent avec lui moraliser l’économie (par exemple en empêchant les délocalisations) et la politique (en « asséchant le marécage », comme il le dit lui même afin d’illustrer sa volonté de se débarrasser des alligators politiques de Washington).
On regrettera certainement que le point de vue de l’auteur de cet article (David Brooks) ne soit pas (ou pas encore) élargi et comparé à la situation d’autres pays du monde occidental (notamment ceux d’Europe). Il y a bien des parallèles locaux à établir, notamment avec la France, et d’en tirer des conclusions sur le « bloc civilisationnel ». En effet, « la confiance », « l’équité » et « la morale » semblent être des éléments importants de ce qui était autrefois connu ici (dans les Amériques et en Europe) comme « la civilisation chrétienne ».
En tout cas, pour l’auteur, s’il est une solution, elle n’a pas l’air très « MAGA » (3), et pas spécialement constituée par un retour à un modèle passé. « Je ne vois aucun scénario dans lequel nous puissions redevenir la nation que nous étions en 1965, avec une éthique nationale cohérente, un esprit national clair, des institutions centrales de confiance et un paysage de culture populaire dans lequel les gens regardent massivement les mêmes émissions et parlent des mêmes choses. Nous sommes trop abattus pour cela. L’ère de la méfiance a brisé l’Amérique convergente et la planète convergente – ce grand rêve des années 1990 – et nous a laissé avec la réalité que notre seul avenir plausible est le pluralisme décentralisé. » Il entend par là une sorte de juxtaposition de petits espaces communautaires où les gens se font confiance (et il cite la ville de Houston (Texas) en « modèle »).
David Brooks rappelle en conclusion un élément fondamental de civilisation, celui qui appartient à chacun d’entre nous de mettre en pratique, et qui peut changer beaucoup de chose : »en offrant la foi en d’autres personnes lorsque cette foi ne peut pas être retournée. Parfois, cette confiance fleurit quand quelqu’un vous soutient contre toute logique, alors que vous vous attendiez à être abandonné. Elle se répercute dans la société comme multipliant les moments de beauté dans une tempête.«
AMEN !
On peut lire l’article ici :
www.theatlantic.com/ideas/archive/2020/10/collapsing-levels-trust-are-devastating-america/616581/
– 1 – The Atlantic est un magasine très marqué par son anti-trumpisme, iil convient de le préciser, même si ce n’est pas le cas de cet article que nous commentons ici.
– 2 – Le « confinement » qui s’est déroulé au printemps 2020 aux Etats-Unis ou en Europe n’aurait certainement pas été possible après mai 1968 et jusqu’à la fin du XXème siècle.
– 3 – MAGA : Make America Great Again : le slogan de Donald Trump.
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