Edward Curtis, « l’attrapeur d’ombres » aux 70 ans de mémoire
Entre 1900 et 1930, Edward Curtis s’est immergé dans les territoires « indiens » et a vécu au sein de plusieurs dizaines de tribus autochtones.
Il a capturé les modes de vie authentiques de plus de 80 cultures, produisant 40 000 négatifs sur plaque de verre, 10 000 enregistrements de sons sur cylindres de cire, 4 000 pages de textes anthropologues et un long-métrage. Son dévouement a abouti à la réalisation de « The North American Indian », le projet éditorial et photographique le plus ambitieux et le plus coûteux jamais entrepris.
Naissance et enfance d’Edward Curtis :
Né en 1868 à White Water dans le sud du Wisconsin, Edward Sheriff Curtis a fait ses premiers pas dans les grands espaces américains, cet appel de la nature ne sera pas sans influencer sa vie. Son père, tour à tour fermier, épicier puis prédicateur, meurt lorsqu’il avait 20 ans, il devint le soutien de famille. Un devoir qu’il accomplira sans vergogne, et le devoir accompli il se lancera vers l’aventure où le regard et la curiosité seront au coeur de sa passion.
La photographie pour figer les civilisations :
Fasciné par la photographie, il crée en 1891, à Seattle, son premier studio de photo et rencontra un vif succès auprès de la bourgeoisie locale. Mais c’est en 1896 qu’il signe sa première photo d’indien intitulée « Princesse Angeline » qui fera l’objet d’une exposition organisée par la National Photographic Society.
Un concours de circonstances :
C’est en secourant un groupe de personnes en difficultés sur le mont Rainier, un monde plutôt hostile à l’exploration, qu’il rencontre l’un des plus grands spécialistes des Amérindiens, George Grinnell, anthropologue, qui lui propose de faire partie de l’expédition Harriman. Cela s’appelle « être au bon endroit au bon moment ».
L’expédition Harriman :
En 1889, le magnat du chemin de fer Edward Henry Harriman, affréta un navire de luxe, le George W. Elder et invita quelques amis et une trentaine de scientifiques pour explorer les eaux côtières et le territoire de l’Alaska.
Le voyage ne dura que deux mois, mais grâce à la compétence de la plupart des passagers, il a fourni une quantité surprenante de nouvelles connaissances concernant cette zone géographique et ses habitants. Nommé photographe officiel de l’expédition, Curtis, dont la culture générale était assez sommaire, eut l’occasion d’enrichir son savoir grâce à l’importante bibliothèque installée sur le bateau et aux conférences données chaque soir par les scientifiques. Le compte rendu de l’expédition fut publié en 11 volumes entre 1901 et 1905, illustrés par les très nombreuses photographies d’Edward Curtis.
Une irrémédiable décision :
C’est à la fin de l’été 1900, après une saison passée chez les « Pieds-Noirs », que Curtis prit la décision de sa vie, celle de photographier toutes les communautés indiennes d’Amérique du Nord avant qu’elles ne disparaissent. Il ne passa alors plus guère de temps à son studio de Seattle entrecoupé de nombreux voyages, de recherches et à trouver des financements.
Un rêve inassouvi :
Curtis, que tout le monde appelait par son nom devenu célèbre, organisa des expositions, des conférences-opéra et réalisa un film en 1914 : « Au Pays des chasseurs de têtes ». Il n’eut de cesse de collecter des souscriptions et des appuis comme celui du président Theodore Roosevelt ou du financier John Pierpont Morgan qui subventionna son immense projet de 20 livres sur « Les Indiens d’Amérique du nord » avec 4 000 pages de textes et 2 500 photos. Bien que cette publication soit considérée comme incontournable dans l’histoire de l’édition, elle s’avéra un échec commercial (227 exemplaires seulement vendus). Mais aujourd’hui, ces ouvrages valent une fortune ! Comme bon nombre d’artistes au succès posthume, Curtis passa le reste de sa vie auprès de ces peuples qui lui apprirent la langue et le qualifièrent de Frère Blanc et devint ainsi « un indien parmi les indiens ».
Edward S. Curtis, est mort à Whittier (Los Angeles) en Californie le 19 octobre 1952. Soixante-dix ans après, nous nous attachons toujours à son œuvre, à l’histoire des peuples amérindiens et à une page importante de l’Histoire américaine.
Retrouvez l’œuvre complète au travers d’un livre de 768 pages : Indien d’Amérique du Nord – Edition Taschen, toujours édité et disponible.
Isaline Rémy
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