Des élèves de classes françaises de Miami se mobilisent face au problème des enfants « Restavek »
Un projet humanitaire a été initialisé par deux classes francophones de Carver Middle School à Miami : aider les enfants haïtiens victimes d’un système d’exploitation très répandu en Haïti, les « Restavek ». Accompagnés par leur professeur Agnès Bonduel, les élèves ont construit un projet ayant pour objectif d’aider ces « enfants-esclaves » avec le soutien de la communauté francophone.
L’initiative est née en septembre 2023 dans deux classes francophones de 4e (8th grade) à l’école internationale Carver Middle School (Coconut Grove) pendant un cours sur les pays défavorisés. Parmi les territoires étudiés, Haïti a retenu l’attention des élèves, car situé à seulement 1 335 kms de la Floride et francophone comme eux. Ils se sont alors retrouvés face à une île ravagée par les problèmes économiques, politiques, sociaux, climatiques depuis des décennies, mais aussi à l’extrême pauvreté et au manque crucial d’éducation scolaire. Au fil de leur étude, les élèves ont été confrontés à la réalité des conditions difficiles auxquelles sont soumis les enfants en Haïti, et ont été particulièrement choqués de découvrir l’existence des « Restavek ».
Le mot « Restavek » vient du créole haïtien et signifie littéralement « rester avec ». C’est ainsi que l’on appelle les enfants haïtiens issus de familles rurales très pauvres et placés par leurs parents (dès 5 ans) dans des foyers plus aisés, pour y travailler en échange d’une promesse d’hébergement, de nourriture et d’éducation via un contrat oral. En réalité, ces enfants se retrouvent déscolarisés, contraints de travailler de longues heures aux travaux domestiques (sans rémunération), sous-alimentés, dormant souvent à mème le sol dans un coin de cuisine, et subissent pour la plupart des abus psychologiques et physiques graves. Ces enfants sont en « domesticité » comme on dit en Haïti… « Quand on a compris qui étaient les ‘Restavek’, on a été choqués. Ce sont des enfants comme nous, ou comme nos petits frères et sœurs, qui sont exploités, maltraités aux yeux de tous, et ça nous a révoltés. Des études disent qu’il y au moins 400 000 ‘Restavek’ en Haïti. Mais derrière ce chiffre, il y a des êtres humains. On ne pouvait pas seulement en parler en classe et dire que c’était un problème. On voulait les aider pour leur donner une meilleure vie », explique Yvan, 13 ans. « Nous voulions aller au-delà de nos livres de classe et agir concrètement, faire une différence », ajoute Joséphine.
Cette pratique très répandue est, selon les ONG internationales, une forme d’esclavage moderne, et est considérée comme un « trafic d’enfants ». Cette exploitation est condamnée par l’article 32 de la Convention internationale des droits de l’enfant de l’ONU. Mais le phénomène des « Restavek » ne comporte aucune définition juridique, ce qui complique son éradication. En Haïti, cette coutume est officiellement illégale, mais persiste en raison de la pauvreté, du manque d’éducation, de la vulnérabilité des familles, et de l’instabilité sociale chronique du pays.
Au lieu de se cantonner à une leçon théorique sur ce pays francophone, ces enfants ont décidé d’aider d’autres enfants. Ils se sont donc retroussés les manches afin de bien identifier les enjeux et les possibilités de leur « projet en vie réelle » ! « Nous avons cherché ensemble des idées d’actions et de sensibilisation, et ensuite nous avons travaillé en groupes sur ces actions. Nous avons créé une association, « Students-Help-Students », puis un logo et un site web pour être reconnus. Et chacun d’entre nous a présenté le projet à son entourage », expliquent Anabelle et Charlie. « Nous avons aussi contacté des ONG pour plusieurs raisons : comprendre le travail humanitaire en général, identifier celles qui travaillaient pour sauver les ‘Restavek’ et se renseigner sur eux en ‘vrai’, et aussi leur expliquer notre projet de sensibilisation à Miami ». La classe a également sollicité et rencontré le Consul de France à Miami, Raphaël Trapp, qui a pris connaissance de leur initiative. Parallèlement, ils sont en train de réaliser un documentaire qui devrait être terminé fin mai. Tous sont très motivés pour organiser des événements, et espèrent que la communauté francophone rejoindra leur initiative afin de trouver des solutions pour aider les « Restavek ».
Selon Mme Bonduel, la guerre des gangs et l’escalade de violence qui sévissent actuellement dans ce pays ont sans aucun doute aggravé les conditions de vie de ces milliers d’enfants-esclaves. « La situation extrêmement critique d’Haïti ces derniers mois, rend le phénomène encore plus grave puisque ces enfants sont enrôlés dans des gangs ou fuient leur famille d’accueil pour les rejoindre. La question des ‘Restavek’ est plus que jamais un sujet majeur, une injustice affligeante, qui nécessite une prise de conscience collective, mais aussi des efforts logistiques et financiers soutenus pour y remédier ».
Les élèves sont conscients que le soutien de leur communauté est indispensable pour concrétiser leur volonté d’aider. D’origine haïtienne, Khael précise : « On sait que sans aide extérieure, nous nous retrouvons bloqués… Mais si de notre côté, on parle du problème de ces enfants-esclaves à de nombreuses personnes, peut-être que les gens se mobiliseront davantage pour trouver des solutions ». Le souhait des élèves est de permettre la construction d’un centre d’hébergement, d’éducation et de soins (notamment mental) pour les enfants « Restavek » extirpés des familles exploitantes, mais aussi de retrouver les parents de ces enfants afin de renouer le lien… « Tout le monde a le droit d’avoir une enfance, de l’amour, et une éducation qui est la base d’un avenir. Mais on doit tous s’allier pour participer à ce rêve« , conclut Khael.
Selon les élèves, plus qu’un projet d’aide à un peuple dans le besoin, il s’agit d’un mouvement de joie, de vie et surtout d’espoir pour des enfants qui ont désespérément besoin d’un avenir. Leur professeur trouve « inspirant leur enthousiasme à mener un tel projet, en faveur d’autres enfants, sortant de la salle de classe, et leur détermination à changer le monde vraiment touchante ». Tous espèrent que la communauté francophone de Miami rejoindra leur initiative dans un mouvement de soutien collectif.
Pour aider les élèves, contactez Agnès Bonduel : abonduel@yahoo.com
G.W. Carver Middle School est une école « Magnet » parmi l’une des cinq du comté de Miami-Dade ayant mis en place des programmes internationaux soutenus par l’association FIPA*. C’est un programme d’immersion culturelle et linguistique totalement gratuit et unique aux Etats-Unis.
Pour en savoir plus : www.gwcmiddleschool.net / www.fipamiami.org
*French International Program Association