Donald Trump a gagné l’élection présidentielle américaine de 2024 : notre analyse du résultat
Quelle résilience ! Après des procédures de destitution, une défaite en 2020, des tentatives d’assassinat, des procès gigantesques… comme nous l’avions prédit il y a 8 jours, Trump va redevenir président des Etats-Unis. Le phénix qui renait de ces cendres, « le plus grand come back de l’histoire américaine », comme le disent les commentateurs de Fox News cette nuit. Certes, il gagne de peu au niveau national, mais il a réussi à mobiliser les électeurs et refaire son retard. Il entre dans l’histoire et il reviendra ainsi en janvier 2025 à la Maison Blanche. « Si Dieu m’a sauvé de cette tentative d’assassinat, je pensais que c’était pour une raison« , a déclaré Donald Trump dans la nuit devant ses partisans.
Donald Trump est ainsi le deuxième président (seulement) de l’histoire américaine a avoir été élu deux fois de manière non-consécutive. Le premier était Grover Cleveland, qui entra à la Maison Blanche en 1885 et 1893.
A 2AM il emportait aussi le Sénat, mais pour la Chambre des Représentants il faudra encore attendre un peu. Dans tous les cas, après cette victoire, Donald Trump devrait avoir moins d’entrave de la part de ses opposants que durant son premier mandat.
Pour voir le détail du résultat, voir notre live sur l’élection qui vient de se terminer
Le discours de victoire de Trump commence à 2:58:00 sur cette vidéo :
Analyse du résultat :
L’élection présidentielle de 2024 s’est déroulée dans un climat social et politique marqué par une polarisation extrême et une instabilité économique. Depuis des années, les États-Unis font face à des défis multiples : inflation persistante, tensions autour de la sécurité intérieure, immigration, et fatigue d’une population éreintée par les crises successives. La campagne de cette année s’est déroulée avec des thèmes centraux tels que l’économie, la sécurité, et la politique étrangère.
D’un côté, Donald Trump, figure assez polémique mais charismatique, a promis un retour à une Amérique « forte » sur tous les fronts. De l’autre, Kamala Harris, vice-présidente de l’administration sortante, a cherché à incarner le changement tout en préservant l’héritage de Biden.
Les Raisons de la victoire de Donald Trump
Mobilisation de la base électorale
L’une des forces de Donald Trump cette année a été sa capacité à mobiliser une base électorale extrêmement fidèle. Trump a consolidé son électorat, notamment dans les États clés du Midwest, tout en gagnant des voix dans les États dits « swing states ». Sa campagne a utilisé des stratégies numériques agressives et un discours direct pour rallier les électeurs indécis ou frustrés par la situation actuelle. En conséquence, la mobilisation de son électorat a été l’un des piliers de sa victoire.
L’économie : le terrain de l’élection
L’économie a dominé le débat électoral en 2024, un terrain que Trump a su exploiter pleinement. Dans un contexte d’inflation élevée, de taux d’intérêt en hausse, et d’incertitudes économiques, Trump a martelé son programme économique en promettant de remettre l’Amérique au travail, de réduire les taxes et de réindustrialiser le pays. Harris, quant à elle, s’est appuyée sur le thème de l’avortement et d’autres sujets de société. Or, comme on a pu l’entendre dans les discussion ce sujet n’a pas été un axe majeur pour la majorité des électeurs cette année. Contrairement à 2022 où l’avortement avait dominé le débat, cette fois-ci, la sécurité économique et le quotidien des Américains ont pris le dessus. Trump s’est donc imposé sur le « terrain de l’élection », rendant les thèmes portés par Harris moins percutants dans l’esprit des électeurs, et de facto inaudibles dans des mass médias qui, pourtant sont (tous sauf deux) favorables aux Démocrates.
Sécurité et immigration : des sujets majeurs
La sécurité intérieure et la gestion des frontières ont également joué un rôle central dans cette élection. Trump a promis de renforcer les mesures de sécurité et de contrôler davantage l’immigration, des sujets sensibles pour de nombreux électeurs. Il a su s’adresser aux préoccupations de ceux qui voient l’immigration comme un défi économique et sécuritaire, et il a réitéré son engagement à protéger l’Amérique contre ce qu’il qualifie de « menaces extérieures ». Cette approche a résonné auprès de nombreux Américains qui s’inquiètent des problématiques de criminalité et de l’insécurité grandissante dans certains États. Face à cela, la réponse de Harris est apparue moins ferme, laissant à Trump un avantage significatif dans ce domaine crucial. Il faut dire qu’en qualité de vice-présidente, elle ne s’est pas mobilisé pour régler les problèmes d’immigration.
Expérience et message politique
Dans cette campagne, Trump a aussi cherché à capitaliser sur son expérience en tant qu’ancien président. Malgré les controverses (et son style unique), il a su s’imposer comme un leader crédible pour de nombreux Américains, notamment en se positionnant comme le porte-voix des laissés-pour-compte de l’économie. Bien sûr, on ne parle pas ici d’un « programme politique génial », mais, c’est ainsi que se déroulent les campagnes américaines : un envoi de signaux efficaces (ou pas).
Harris, malgré sa position de vice-présidente, a peiné à se démarquer ou à démontrer une vision claire et engageante. Trump, en revanche, a brandi son parcours passé pour asseoir son autorité et sa détermination à mener l’Amérique vers un avenir plus stable et plus prospère.
Stratégie de communication efficace
L’influence de Trump dans les médias et sur les réseaux sociaux a également été un atout considérable. Il a su jouer avec les codes de communication modernes, maîtrisant parfaitement l’art de susciter l’adhésion ou de mobiliser par ses discours.
La solitude de Trump en 2016 était peut-être un atout pour lui, mais il est certainement ensuite apparu « trop seul pour bien gouverner ». Le fait qu’en 2024 il soit entouré de figures extrêmement populaires, comme Robert Kennedy Jr, Elon Musk ou Tulsi Gabbard, l’a clairement renforcé.
En 2016 il avait la quasi-intégralité du Parti Républicain contre lui. En 2024 il a réussi à rassembler son camp.
Il a même semblé s’amuser, aux côtés d’Elon Musk, au volant d’un camion-poubelle ou servant des frites dans un McDonalds. Les signaux envoyés, de proximité avec les travailleurs, étaient excellents. Les tentatives d’assassinat, en revanche, sont peut-être plus discutables pour son image. Il apparaît comme un héros rentrant dans l’histoire, certes, mais dans un climat de violence. Difficile de dire si c’était positif, pour l’élection, mais en tout cas ça ne l’a pas empêché de gagner.
Face à cela, Harris a semblé en retrait, laissant Trump occuper le terrain médiatique avec une puissance difficile à égaler. En utilisant un ton direct et parfois provocateur, Trump a su toucher une large audience, renforçant sa position auprès des électeurs. Petit bémol durant le débat où Harris est apparue plus vive que lui ce soir-m). Mais lors du débat des vice-présidents, JD Vance (le VP de Trump) a au contraire très largement dominé Tim Walz (le VP de Harris) : ça c’est équilibré.
Enfin, il y a aussi certainement un fond idéologique nationaliste, identitaire, chez un grand nombre, avec une envie des Américains de revenir à « l’Amérique d’avant » : de « make America great again ».
A noter aussi la prestation de JD Vance, extrêmement convainquant pour ses partisans. Il devient le 47e vice-président des Etats-Unis.
L’influence de Susie Wiles sur la campagne de Trump : la « Demoiselle de Glace »
Impossible d’évoquer la victoire de Trump sans parler de Susie Wlles, remerciée et mise en avant par Trump le soir de la victoire. Il l’a d’ailleurs ensuite nommée « chief of staff » à la Maison Blanche. Celle qui est surnommée « the ice Maiden » (la demoiselle de glace) a calé un grand nombre d’aspects de la campagne Trump. Elle l’a par exemple convaincu de demander à ses électeurs de voter par correspondance, ce qui aurait eu comme conséquence d’éviter que certains s’abstiennent.
Susie WIles a une longue expérience politique, notamment en Floride, puisqu’elle a été directrice adjointe des opérations pour la campagne à la vice-présidence de la candidature Bush-Quayle en 1988. Elle a aussi par exemple dirigé la campagne de Rick Scott en 2010 pour le poste de gouverneur de Floride puis elle a été coprésidente du conseil consultatif de Mitt Romney pour la Floride lors de la campagne présidentielle républicaine de 2012. Susie WIles a dirigé la campagne de Donald Trump en Floride en 2016 puis aidé Ron DeSantis a devenir gouverneur de Floride en 2018. The Ice Maiden était jusqu’à présent très discrète… mais cette fois elle est devenue une superstar de la politique américaine !
Raisons de la défaite de Kamala Harris
Manque de distinction par rapport à Biden
L’un des défis majeurs pour Kamala Harris a été de se démarquer de l’administration Biden, dont l’héritage controversé a pesé lourdement sur sa campagne. Nombre de ses électeurs n’étaient pas désireux de voter pour une continuité du mandat Biden. La perception que Harris avait contribué à dissimuler les problèmes cognitifs de Biden a également joué en sa défaveur, éveillant des doutes sur sa transparence et son intégrité. En se maintenant dans l’ombre de Biden, Harris a perdu l’opportunité de se positionner comme une candidate véritablement indépendante, ce qui a sans doute découragé une partie de l’électorat. Finalement, quand Barack Obama est monté sur les estrades pour commencer à l’aider, on n’avait plus du tout l’impression que c’était elle la « star », mais bien lui.
Certains disent qu’elle a perdu parce que les Américains ne veulent pas voter pour une femme. Le vote national n’est pas final au moment où nous publions cet article, mais néanmoins Kamala Harris réunit au moins près de la moitié des électeurs. Il faut se rappeler qu’en août elle était au firmament des sondages avant de s’effondrer. Le masculinisme ne sera donc pas suffisant pour expliquer le problème.
Une campagne marquée par les attaques contre Trump
Kamala Harris avait un programme sérieux et chiffré (il suffit d’aller voir sur son site internet). Mais elle n’a pas voulu le mettre en avant. Aux yeux de nombreux Américains, la campagne de Harris s’est résumée à des critiques virulentes à l’encontre de Trump, un choix stratégique qui n’a pas, comme on peut le voir, pas porté ses fruits. L’absence (pour les électeurs) de propositions nouvelles ou de vision claire arrivant à leurs oreilles, a créé un sentiment de vacuité dans son programme, renforçant l’idée que sa campagne manquait de substance. Pour beaucoup, les insultes contre Trump ne suffisaient pas à compenser l’absence de réponses concrètes aux préoccupations économiques et sécuritaires du moment. Cette stratégie basée sur la critique s’est révélée insuffisante face à la capacité de Trump à proposer des solutions perçues comme pragmatiques par une partie des électeurs. Les renforts au dernier moment (dans ce registre anti-Trump) de Barack Obama, de comédiens d’Hollywood, et même de Joe Biden, on même donné une impression de panique.
Tentative de s’appuyer sur le thème de l’avortement
En 2022, l’avortement avait été un sujet mobilisateur, mais en 2024, les priorités des Américains semblaient avoir changé, focalisées principalement sur l’économie et la sécurité. En insistant fortement sur l’avortement, notamment avec le slogan « We’re not going back », Harris a perdu de vue les préoccupations immédiates d’un grand nombre d’électeurs, ce qui a donné à sa campagne un caractère décalé par rapport aux attentes du public. Le thème, bien que sensible, n’a pas suffi à susciter un rejet de son opposant, laissant l’impression d’un manque de vision plus large. En Floride par exemple, les électeurs ont très largement voté pour Trump, et en même temps ils ont été 57% à voter POUR l’avortement lors d’un référendum (qui a quand même échoué a autoriser l’avortement car il fallait arriver à 60%).
L’héritage de l’administration Biden : un « MAGA-light » ?
Sous la présidence de Biden, le Parti démocrate a tenté de répondre aux attentes des Américains en matière de sécurité et d’économie, mais souvent en adoptant des mesures que certains observateurs ont interprétées comme du « MAGA-light » — une version atténuée du programme Trump. Cela a été mis en évidence par le magazine anti-trump The Economist, qui a noté le 12 octobre une « trumpisation de la politique Américaine » qui annonçait déjà clairement la défaite. Cette Trumpisation est très vraie sur des sujets comme la sécurité, la frontière ou l’économie. Harris, en prolongeant cette tendance sans y apporter d’innovation, n’a pas réussi à convaincre une majorité de l’électorat.
En outre, sa défense de la politique étrangère de Biden, assez interventionniste, a contrasté avec le pacifisme de Trump, qui a séduit une partie de l’électorat lassée par les engagements militaires à l’étranger : un point souvent mis en avant par les Trump et ses partisans depuis 2015.
Stratégie électorale déficiente dans les États clés
Enfin, malgré une mobilisation importante, Harris a souffert de plusieurs erreurs stratégiques dans des États clés où Trump a su tirer son épingle du jeu. La stratégie des Démocrates s’est révélée inefficace dans certains bastions, où les préoccupations locales et les attentes étaient mal appréhendées par l’équipe de campagne de Harris. Le manque de réponses concrètes et de discours adaptés aux électeurs de ces régions a finalement coûté cher, permettant à Trump de remporter des votes décisifs dans ces zones, avec des progressions importantes chez les jeunes, chez les Noirs ou les Latinos.
Kamala Harris a réalisé une campagne assez centriste, sans afficher de positions fortes, alors qu’en 2020 une partie de l’électorat de Joe Biden était constitué de jeunes socialistes assez radicaux, de minorités raciales ulcérées par le meurtre de George Floyd etc… autant de groupes qui n’ont pas cette fois été motivés en assez grand nombre pour faire campagne en faveur de Harris.
Bernie Sanders l’a ainsi résumé à sa manière : « Le Parti Démocrate a tourné le dos à la classe travailleuse, il ne faut pas s’étonner qu’ensuite elle ne vienne pas voter pour lui« .
Dans le même registre, faire campagne avec la républicaine (anti-avortement) Liz Cheney, toujours dans une grande obsession anti-trump, n’était peut-être pas non plus la meilleure idée de Kamala Harris pour motiver les militants de gauche.
Conclusion : Une élection marquée par des dynamiques complexes
L’élection présidentielle de 2024 aura mis en lumière des dynamiques profondes au sein de la société américaine, exacerbées par des années de polarisation et par des enjeux économiques et sécuritaires pressants. Donald Trump, fort d’une base électorale fidèle, a su se positionner sur le « terrain de l’élection » en abordant les sujets qui préoccupent les Américains au quotidien, tels que l’économie et la sécurité intérieure. En s’adressant directement à ces priorités et en présentant des propositions percutantes, il a réussi à capter l’attention et le soutien d’une large partie de la population.
De son côté, Kamala Harris n’a pas réussi à se démarquer suffisamment de l’héritage de l’administration Biden. Sa campagne, perçue comme centrée sur des attaques fréquentes contre Trump, a pu sembler déconnectée des préoccupations immédiates de nombreux électeurs.
Le plus important depuis le début du siècle aux Etats-Unis c’est que, vu qu’il n’y a que deux candidats, une partie mécontente de l’électorat va à chaque élection vouloir s’éloigner du pouvoir. Exemple : on parle des hommes noirs ? Un grand nombre n’est pas riche. Après avoir souffert de l’inflation, comment pourraient-ils avoir (tous) votés pour une candidate qui leur apparaît comme scotchée au responsable de cette maléfique inflation ?
Pour être plus simple : ce n’est pas nouveau, des millions d’Américains sont dans la misère, et ne peuvent pas voter pour le status quo. Ils ne peuvent que voter pour « le changement ».
En se concentrant principalement sur l’avortement, un sujet important mais qui n’a pas eu la même force mobilisatrice que des questions telles que l’économie, la sécurité ou la gestion des frontières, Kamala Harris a laissé une partie de l’électorat en quête de réponses concrètes.
Les critiques sur sa proximité avec Joe Biden et son rôle présumé dans la dissimulation de ses difficultés cognitives ont également pu contribuer à un sentiment de méfiance, notamment parmi les électeurs modérés qui auraient pu hésiter à voter pour elle. De plus, le fait que même certains médias traditionnellement anti-Trump, comme The Economist, aient fait allusion à une sorte de « trumpisation » des positions démocrates sur la sécurité et la politique migratoire a renforcé l’idée que le parti peinait à proposer une alternative claire et convaincante, semblant adopter une version plus modérée du programme MAGA sur certains sujets.
Gwendal GAUTHIER
directeur du Courrier des Amériques
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