Livre : « Pourquoi Trump a encore gagné », par Anna Alexis Michel
Anna Alexis Michel, auteure française et belge résidant en Floride, ne cache pas qu’elle est assez contente de la victoire de Trump. Mais elle tient a rester objective et à expliquer aux autres les perspectives qui lui plaisent dans cette victoire. Elle le fait dans un nouvel essai (1). « Mon postulat, c’est que la victoire de Donald J. Trump n’est pas une victoire des Républicains sur les Démocrates. C’est la victoire d’une idée, qui fait appel au sens commun et au retour du rêve américain. La mort annoncée de l’extinctionnisme au profit d’un nouvel expansionnisme. C’est le plus grand bouleversement dans la société américaine depuis très longtemps. J’en veux pour preuve que tous les Démocrates rebelles ont quitté le Parti démocrate pour faire gagner Trump : Elon Musk, d’abord, mais aussi Robert F.Kennedy Jr, Nicole Shanahan, Tulsi Gabbard…
Ce bouleversement correspond à une nouvelle ère. Le mouvement qui l’a fait naître part de la base : le citoyen américain en a eu marre qu’on le culpabilise de vivre, qu’on le restreigne. Qu’à force de règles idiotes, de police du langage, d’absurdités en tout genre, il ne puisse plus respirer. Et le wokisme a été la goutte qui a fait déborder le vase – premier facteur chez les indécis des Swing States, même s’il est plus politiquement correct de parler du prix des œufs. Chercher des excuses dans un prétendu racisme systémique, un patriarcat vengeur ou des influences russes, c’est passer à côté de l’essentiel du mouvement en marche.
On avait donc d’un côté un vieux briscard, résilient et pugnace, et de l’autre une candidate très indéfinissable. Lui sortait renforcé de quatre ans de procédures judiciaires, de tentatives d’assassinats et de mise en scène clownesques, comme son apparition au McDo ou son tour en camion poubelle. Elle n’était pas Joe Biden, mais elle l’était quand même : elle lisait des discours écrits pour Joe Biden dans le tailleur pantalon d’Hillary Clinton avec les accents d’Obama. Oui, un grand manque d’authenticité et ceux, très nombreux, qui ont voté pour elle, sont des Démocrates indécrottables ou des anti-Trump viscéraux. Elle comptait sur les minorités, elle ne les a pas eues, sauf les femmes noires. Lui, au contraire, a ratissé large surtout auprès des jeunes hommes notamment en faisant tous les podcasts… et ça a marché.
Il s’est saisi des sujets qui intéressaient les gens : l’immigration, l’économie, le wokisme. Elle a articulé son discours sur : l’avortement est bien, Trump est mauvais et il ne faut pas parler des sujets qui fâchent. Restant étonnamment vague sur les sujets de société et très imprécise sur son programme économique.
Mais le génie de Trump a résidé, et ça à partir du milieu de la campagne, à exploiter deux filons. Et ça, c’est vraiment du génie marketing. Le premier, il s’est présenté comme le parti du bon sens, celui du sens commun. D’autre part, il s’est présenté comme rassembleur. Et là non plus ce n’était pas évident, puisqu’il était pointé partout comme celui qui divise l’Amérique. Mais en accueillant au sein d’une très large coalition ceux que les Démocrates avaient snobé, il s’est ajouté les quelques pourcents qui faisaient la différence. Et il a tenu sa parole en leur donnant des portefeuilles clé.
Bien sûr, Elon Musk a joué un rôle majeur, et derrière lui, toute la tech et la finance, mais si on y regarde de plus près les Démocrates ont dépensé trois ou quatre fois plus d’argent que les Républicains pour un résultat très décevant.
Il ne s’agit donc pas de la gauche contre la droite. Mais, même si on retrouve à la tête du mouvement une joyeuse brochette de milliardaires, ils n’ont fait que saisir l’air du temps et en tirer profit, le mouvement vient de la base : il s’agit du peuple contre une administration gouvernementale tentaculaire et opaque (toutes les agences gouvernementales à trois lettres, SEC, CIA, FBI, IRS…) et supra-gouvernementale orwellienne (OMS, OTAN, FMI…), « la machine », qui exige de le contrôler. Il s’agit de savoir si cette administration travaille pour le peuple ou si le peuple travaille pour lui.
Tous les grands dogmes de la gauche, le réchauffement climatique, la raréfaction des ressources, la surpopulation, l’interventionnisme militaire sous prétexte de droits de l’homme, le wokisme sont pour le citoyen autant de cultes auxquels il n’a plus envie de croire et qu’il identifie comme des instruments de contrôle.
L’Américain qui a voté pour Trump, il veut plein d’enfants et pas qu’on le regarde de travers parce qu’il a une famille nombreuse. Et puis, ses enfants, il veut les élever comme il veut, sans police de la pensée, dans l’école de son choix ou à la maison ; que ses filles fassent du sport sans avoir peur dans les vestiaires, sans tricheurs qui se prétendent des femmes dans les compétitions, qu’elles fassent des études sans souffrir des passe-droits accordés à d’autres sous des prétextes d’apparence ou d’appartenance. Il veut un gouvernement si petit que ce gouvernement ne puisse pas venir se mêler de ce qui se passe chez lui, je pense à l’épisode de P’nut l’écureuil confisqué et euthanasié. Il ne veut pas que ses gamins aillent mourir pour des guerres inutiles dans des contrées qu’il ne peut pas situer sur la carte, mais il les verrait bien explorateurs de mondes nouveaux, et la conquête spatiale le fait à nouveau rêver. L’univers Startrek, fait d’innovation technologique et d’exploration lui semble à portée de main.
Cette campagne aura prouvé : que les célébrités du show-business n’ont plus de pouvoir d’influence sur les masses ; que la meilleure campagne de presse peut échouer ; qu’à l’exception de la presse ultraspécialisée (bien sûr pensons à la presse locale comme le Courrier ou à des journaux financiers ou sportifs par exemple qui survivront très bien parce que cela correspond à des besoins spécifiques) – les médias mainstream sont en voie d’extinction au profit des plates-formes et des podcasts. »
278 pages – 23 décembre 2024
Disponible en français sur RENCONTRE DES AUTEURS FRANCOPHONES :
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