Etats-Unis : Les Sorcières de Salem à toutes les sauces (livre, film, série…)
Les Américains adorent se faire peur, et les villes les plus anciennes des Etats-Unis ont toutes leurs « ghost tours » : de la Nouvelle-Orléans à St Augustine, en passant par Savannah ou Charleston, impossible d’y couper.
Il y a bien moins de spectres et de phénomènes surnaturels ici qu’en Ecosse ou en Bretagne – les US ont une histoire beaucoup plus courte – et chaque petit événement est immédiatement muséifié, qu’il s’agisse aussi bien de la Guerre de Sécession que du gant de Michael Jackson conservé dans les musées nationaux de Washington. L’histoire des « sorcières de Salem » est à la croisée à la fois de la grande et de la petite histoire ; de l’épopée coloniale et du mystère. Le vrai récit, le voici : en 1692, Salem Village (dans le Massachusetts (la ville se nomme dorénavant Danvers)), est coupé du monde et de la justice, car assiégé par les Indiens. Plusieurs filles (de 9 à 11 ans) y ont un comportement jugé « anormal », sans qu’une maladie quelconque ne leur soit découverte. L’un des médecins va parler de « possession ». Effrayées et pressées de question, elles vont commencer à donner des noms de « sorciers », « magiciens » et « alliés de Satan » qui les ont ainsi « envoutées », à commencer par Tituba, une esclave en provenance de la Barbade, qui leur aurait peut-être confié des secrets vaudous. Au bout du compte, 80 personnes seront emprisonnées dont 25 qui seront exécutées suite à ces dénonciations (et quelques notables en faisaient partie). L’intervention du clergé bostonien en octobre mettra un terme à l’affaire, notamment grâce à cette phrase : « Il apparaît préférable que dix sorcières suspectées puissent échapper, plutôt qu’une personne innocente soit condamnée ». La médiatisation était plus lente à l’époque, mais le « procès des sorcières » n’en aura pas moins eu un impact considérable, conduisant à réduire l’influence des puritains sur le gouvernement de Nouvelle-Angleterre, et même à influencer les futurs principes de la constitution américaine (près d’un siècle plus tard).
Bien évidemment, si vous passez par le Massachusetts, vous retrouverez sur le site où s’est produit ce drame un musée bondé chaque jour de l’année : www.salemwitchmuseum.com
Il faut dire que la figure de « la sorcière » est depuis le XIXème siècle un élément du romantisme littéraire. En 1862, Jules Michelet se sert de l’Inquisition pour dresser un portrait à charge (et inventé par ses soins) de la religion au Moyen-Âge. L’époque de Michelet glorifie la rébellion, et dans son livre La Sorcière, il dresse ainsi une ode au peuple rebelle et notamment aux femmes jugées pour sorcellerie. A travers ce prisme, comme un grand nombre de ses contemporains (dont Renan), Michelet dresse un tableau repoussant du monde ancien, auquel il oppose celui des Lumières.
Ainsi, en passant par la littérature et le cinéma hollywoodien, Salem n’a jamais été oublié aux Etats-Unis.
Salem dans la culture populaire
Salem est le titre d’un des romans d’épouvante les plus connus de Stephen King (1979), mais… il parle de vampires ! Un film et une série TV en sont adaptés, et il n’ont donc rien à voir avec le sujet. Mais dans à peu près toute série américaine traitant de sorcellerie – de Ma Sorcière Bien Aimée à Buffy, en passant par le plus britannique Harry Potter – Salem est abondamment mentionné. C’est la pièce d’Arthur Miller « Les Sorcières de Salem » (1956) qui marqua en premier la culture populaire, avec une adaptation française au cinéma l’année suivante par Raymond Rouleau sur la base d’un scénario écrit par JeanPaul Sartre lui-même, et une distribution « poids-lourd » pour l’époque : Simone Signoret, Yves Montand et Mylène Demongeot. Arthur Miller a été marié (brièvement) avec Marilyn Monroe. Quand il apprit qu’elle avait une liaison avec Yves Montand, il bloqua les droits d’exploitation de ce film encore assez difficile à trouver de nos jours. Et Miller écrira plus tard lui même le scénario de The Crucible (1966) adaptation de la même pièce qui connut un vif succès.
Passons par dessus un bon milliard de livres d’histoire publiés sur le sujet durant le XXème siècle (et à peu près autant de Zombies Movies) pour arriver à aujourd’hui.
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The Witches: Salem 1692
Si vous lisez l’anglais (autrement il vous faudra attendre sa traduction), The Witches est un très grand succès d’édition de cet hiver. Sorti en octobre sous la plume de Stacy Schiff, il s’agit d’un essai sur les neuf mois de procès des « sorcières ». Mais il a le mérite, contrairement à un grand nombre de ses prédécesseurs, de ne pas se perdre dans des questionnements infinis sur les phénomènes d’hystérie collective ayant atteint Salem (et dont on ne devrait jamais connaître la cause exacte). The Witches raconte ainsi le procès de Salem presque à la limite du roman, mais tout en restant fidèle à l’histoire. Il a été classé par à peu près toutes les revues dans les 10 meilleurs livres de l’année.
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Salem, la série
Inédite dans les pays francophones, vous pouvez néanmoins voir la série Salem en anglais sur Netflix si vous habitez aux Etats-Unis ou au Canada. Lancée il y a un peu plus d’un an, elle a recueilli un très bon accueil auprès des jeunes et des amateurs de science-fiction, mais a créé la polémique auprès de ceux qui se soucient de la véracité historique : non, les sorcières de Salem ne lançaient pas de rayons lasers avec leurs mains et ne se transformaient pas en monstre à la nuit tombée (encore que… on n’y était pas !). Mais la série est très regardable, y compris par les adultes qui n’ont pas peur des ambiances sombres !
www.wgnamerica.com/series/Salem
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The Witch
Ce film canado-américain est arrivé dans les salles (très) obscures des Etats-Unis en février (2016), un an après sa sortie au Canada. Classé « film d’horreur », il est toutefois plus effrayant pour ce qu’il ne montre pas que pour les habituels torrents d’hémoglobine qu’on peut voir dans les films de genre. The Witch a été accueilli très positivement par la critique. L’histoire se déroule dans une famille puritaine de Nouvelle-Angleterre en 1630 … avec une fille qu’on croit possédée. Il revisite lui aussi ce passé commun américain.
https://en.wikipedia.org/wiki/The_Witch_(2015_film)
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- A noter également le succès du roman de Maryse Condé, « Moi, Tituba, sorcière noire de Salem » (Gallimard, Folio, septembre 1988).
- Interview de Montand et Signoret sur le film Les Sorcières de Salem :
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