La French Tech à la conquête de Miami
Est-ce la naissance d’une « French Tech » à Miami ? Plusieurs dizaines d’entreprises françaises des « NTIC » (nouvelles technologies de l’information et de la communication) se sont implantées ou lancées en Floride ces dernières années… et elles comptent bien en entraîner d’autres !
Capitale des plaisirs balnéaires, Miami aussi en train de devenir une « Smart City » ! Et que vous alliez à Downtown, à Brickell, Wynwood, et même à Miami Beach (1), vous trouvez des espaces de « coworking », des bureaux partagés, comme WeWork, Venture Hive ou Büro, dans lequel vous virevoltent des dizaines de jeunes français inventant à leur manière le monde numérique de demain ; l’application qui fera un malheur sur votre « téléphone intelligent ». Encore qu’ils appellent ça « smartphone » dans leur univers d’acronymes anglais, et il ne leur viendrait pas à l’esprit de donner un nom français à leur « startup ». Pourtant, la pus part d’entre eux apprécient de faire partie de cette « French Touch » qui les singularise à l’étranger, et leur sert autant de valorisation dans leur univers qu’à David Guetta dans ses nuits musicales ! La France est forte dans les arts électroniques (musique, dessins animés, jeux vidéos), mais aussi, de plus en plus, dans l’innovation – même si le retard sur les Etats-Unis est encore immense. En tout cas, certains s’attellent à le combler. Ainsi, de l’app médicale très utile au gadget électronique complètement superflu : les Frenchies de Miami pensent à tout !
LE LABEL « FRENCH TECH HUB » EN VUE
« Ca fait à peu près un an que nous entrons en contact avec les entreprises de ce domaine d’activité, afin de les connaître et de les regrouper« , explique Pascale Villet, la directrice de la FACC-Miami (French Americain Chamber of Commerce). « Nous avons monté un « comité technologies » afin de créer des événements sur cette question et pour que les entreprises parlent entre elles. Le consulat de France, Enterprise Florida et la FACC souhaitent que Miami se dote d’un French Tech Hub, tout comme le maire de Miami-Dade. Pour le moment il n’y a pas d’appel à candidature de nouvelles villes, mais quand ce sera le cas il faut que les chefs d’entreprises aient préparé le dossier.«
Réputé à l’international, le label « French Tech Hub » n’a pour le moment été attribué en Amérique du nord qu’à San Francisco, Los Angeles, New-York et Montréal (San Diego, Austin et Mexico ont pour leur part déposé des candidatures). Antoine Forest est un jeune patron de Startup qui justement y travaille. « Ce serait important pour nos entreprises de l’obtenir, car nous sommes de plus en plus nombreux à Miami« , assure-t-il. « Une telle reconnaissance entraîne le rayonnement de notre travail, et le rayonnement accélère les financements. Pour le moment il y a beaucoup d’avantages à s’installer à Miami, mais pour le financement, il faut aller le chercher à New-York ou à San Francisco. » « Effectivement, c’est facile pour une entreprise qui débute de s’installer à Miami« , explique Benoît Duverneuil, qui est versé à la fois dans la politique (avec En Marche), mais a fait carrière en Floride dans la gestion de données informatiques), « mais jusqu’à maintenant, quand il fallait faire un 2ème ou 3ème tour de table afin de trouver des financements pour que l’entreprise puisse accélérer, embaucher, il fallait alors se tourner vers d’autres villes américaines. Mais Miami est vraiment en train d’être de plus en plus identifié comme une place importante pour les nouvelles technologies, et ça ne va pas s’arrêter là. En tout cas je soutiens ce dossier French Tech Hub.«
« Miami avait des bases solides, par exemple avec la présence d’IBM« , complète Pascale Villet, « mais c’est vrai qu’il y a un « boom » depuis quelques années. Les autorités travaillent pour combler le problème de l’emploi. Quand une entreprise doit passer instantannément de 3 à 100 employés, c’est parfois difficile de trouver les emplois qualifiés. Des universités comme la FIU ou le Miami Dade College ouvrent donc des filières pour combler ce manque : tout se construit très vite.«
La French Tech, c’est ainsi une marque commune pour les entreprises innovantes, qui leur permet d’être identifiées comme tel, mais aussi d’échanger entre elles.
Alors pourquoi ces jeunes chefs d’entreprises français s’intéressent-ils à Miami plutôt qu’à San Francisco ? « D’une part c’est bien plus proche de la France« , analyse Antoine Forest. « Ensuite, pour débuter, la Floride c’est bien moins cher que la Silicon Valley. Enfin, pour certains, la proximité avec l’Amérique Latine est un facteur important, non seulement pour le marché qu’elle constitue, mais aussi parce qu’il est possible d’y faire appel à des développeurs à très bon marché, et qui travaillent sur le même fuseau horaire qu’eux. Un autre aspect important du dossier French Tech Miami, c’est justement de pouvoir faire savoir aux chefs d’entreprises français ou autres que Miami est désormais une ville reconnue pour son environnement propice au développement de leurs entreprises ou futures entreprises.«
Et n’y a-t-il pas aussi une part un peu « gadget », des projets loufoques, chez tous ces jeunes qui atterrissent à Miami avec un sac-à-dos contenant un maillot de bain et un ordinateur portable ? « Non, il y a vraiment beaucoup de bonnes idées« , assure Pascale Villet. « Certains rêvent beaucoup sur le succès commercial de ces idées, et souvent… la bonne idée n’est souvent pas suffisante. Mais ils ont raison de rêver : peut-être feront-ils partie de ceux qui demain auront fait fortune ! Peut-être aussi leur entreprise sera-t-elle rachetée dans un an. Le plus gros problème pour réussir, c’est le financement, et l’énorme budget marketing qu’il faut pour obtenir de la visibilité.«
Aussi bien pour Antoine Forest que pour Benoît Duverneuil, ce dossier « French Tech Hub » s’inscrit aussi dans la politique du nouveau président Macron, qui a décidé de créer un visa entrepreneur pour inciter les chefs d’entreprises à s’installer en France. « Ca doit fonctionner dans les deux sens« , assurent-ils. « Mais pour les Français, il faut savoir que l’investissement dans la tech peut aussi constituer une très bonne opportunité afin d’obtenir un visa aux Etats-Unis, que ce soit en tant que chef d’entreprise ou en tant qu’investisseur.«
NAPLES… C’EST PAS EN ITALIE !
La région de Miami a tout de même une petite concurrence en Floride, à l’ouest, avec Naples qui, a défaut d’être réputée pour la jeunesse de ses habitants, cherche justement à attirer des entreprises nouvelles et performantes. Pas un trimestre ne passe sans que le journal local ne raconte les missions commerciales d’entreprises françaises venues faire des repérages des lieux. Ces performances sont dues à l’action du Dr Marshall Goodman et de son équipe de https://www.collieredo.org/accelerator-program. Alors, pour le moment il y aurait plus d’entreprises françaises à visiter qu’à s’implanter, mais c’est tout de même le début de quelque chose. A tel point que des entreprises de Naples souhaiteraient elles aussi postuler pour le label « French Tech Hub ».
LES QUEBECOIS RESTENT BIEN AU FROID !
Si le Canada a un partenariat commercial de tout premier plan avec la Floride, les Québécois sont toutefois moins nombreux à s’y installer dans ce secteur des nouvelles technologies. « Beaucoup nous contactent, ou viennent en mission commerciale en Floride, mais pas dans le but de s’installer. Ils signent les contrats et gèrent les opérations directement depuis le Québec« , précise Jade Vinet, la directrice de la CCQF (Chambre de Commerce Québec-Floride). Il faut dire que Montréal jouit aussi d’un environnement « tech » de tout premier plan, et qu’avec le taux de change entre les monnaies, il est en ce moment bien plus avantageux de vendre à des Américains des services réalisés depuis le Canada.
QUELQUES EXEMPLES DE « FRENCH TECH »
Il y a bien sûr à Miami plusieurs monstres avec un peu de bouteille, comme par exemple l’antenne « Amérique Latine » de Teads, l’un des leaders de la publicité vidéo sur internet, qui est implantée à Coral Gables et dont le vice-président pour le sous-continent est Eric Tourtel. La société PrestaShop, de Bruno Lévêque, qui est N°2 de l’eCommerce, s’est aussi implantée à Miami avant que son fondateur ne parte jouer avec les millions dans la Silicon Valley (mais la partie développement de PrestaShop est toujours à Miami). Des centaines de milliers de sites internet utilisent son module de vente de produits en ligne.
Pour les « jeunes pousses », commençons par l’entreprise d’Antoine Forest, www.stargazer.co. Lancée voilà un an, il s’agit d’une plateforme internet permettant de mettre en relation les annonceurs publicitaires avec les « influenceurs » du web. Antoine en explique le principe : « Aujourd’hui les jeunes ne regardent plus la télévision, mais ils passent leur temps sur internet, sur Youtube, où certaines chaînes sont extrêmement influentes. Les Youtubeurs peuvent ainsi gagner de l’argent en ventant un produit pour lequel un client nous aura passé une commande.«
En mai dernier, la FACC-Miami a décerné son prix de l’innovation « startup » à www.foxstream.fr, la société de Pierre-Jean Rivière qui fait de l’analyse vidéo, et arrive par exemple à gérer par le biais de caméra les flux de passagers circulants dans les aéroports. Le prix « Digital » est allé pour sa part à www.prediabaid.com (du docteur Reginald Allouche), qui a développé une application capable de dépister les personnes au stade de pré-diabète. A Miami on trouve aussi www.paytoo.com, la société de Michel Poignant dont l’app regroupe les services financiers des personnes, avec une identification par le visage de l’usager, grace à un programme de reconnaissance faciale. www.citizen.co, de Guillaume Lellouche, facilite aussi la vie de ses utilisateurs, puisque sa plateforme permet de se débarrasser de la paperasse administrative, notamment gouvernementale.
L’eReputation, c’est aussi un phénomène nouveau : de plus en plus, les internautes jaugent sur internet les notes données par les anciens clients avant d’entrer à leur tour dans un restaurant, ou d’acheter un produit. Le site www.verified-reviews.com d’Olivier Mouillet permet ainsi de contrôler et améliorer ses « reviews ».
A Miami on trouve beaucoup de sociétés françaises de branding, comme par exemple www.outsmartlabs.com, spécialisé dans le SEO. Et parmi des dizaines d’autres à Miami, citons encore Jonathan Zisermann de www.tagadamedia.com (acquisition de data marketing) qui est aussi à la manœuvre dans wwwfundimmo.com (financement participatif en immobilier). Le 21 juin, la société www.owlmo.com a gagné l’étape miamienne du « StartUp Tour » organisé par les « French Founders » et French Morning. Owlmo dispose d’une plateforme permettant de mettre les influenceurs web en relation-conversation vidéo les uns avec les autres, avec une solution payante.
(1) Ca devrait néanmoins plus se passer du côté de Miami que de celui de South Beach. Questionné par le Washington Post sur les potentialités pour sa ville de devenir « un Tech Hub » le maire de Miami Beach, Philip Levine avait répondu « c’est l’idée la plus débile du monde« , préférant cultiver à South Beach le silicone… plutôt que le silicon !
Y a-t-il une nouvelle « bulle tech » prête à exploser ?
Ces derniers mois, les entreprises majeures des NTIC (Facebook, Google, Amazon, Netflix…) ont vu leur valeur boursière multipliée par des centaines ou des milliers de pourcents, laissant craindre la constitution d’une bulle prête à exploser comme il y a 15 ans. Les spécialistes pensent au contraire qu’il n’y a rien de comparable, et pour plusieurs raisons : il y a 15 ans, un grand nombre de ces sociétés ne réalisaient pas de profits. Leur valeur était indexée sur leur potentiel… qui s’est depuis lors confirmé. Certes avec des succès différents : Google a connu ses échecs, par exemple avec Google +, et Uber est en ce moment dans l’œil du cyclone, sans qu’on comprenne trop bien pourquoi (si ce n’est les frasques de son président, qui n’ont rien à voir avec la solidité de l’entreprise). Il y a certes encore des valeurs qui correspondent à des paris sur l’avenir (la cotation des voitures électriques Tesla est supérieure à celle de General Motors !), mais c’est loin d’être la majorité des cas. La seule fragilité du secteur, c’est le crash possible d’une majeure, avec toujours le même genre de question du type : « est-ce que le prochain iPhone va se vendre ? » En attenant, le secteur est plus que jamais porteur !
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