Le ministre Marc Garneau de retour en Floride pour défendre l’ALENA (interview)
Les ministres canadiens poursuivent leurs inlassables tournées aux Etats-Unis afin d’aller sensibiliser directement les villes et Etats quant au danger d’une éventuelle abrogation du traité de libre-échange ALENA par l’administration Trump ; et Marc Garneau est de nouveau venu en Floride dans cette démarche de « lobbying » rarement vue dans l’histoire politique ! Marc Garneau reste néanmoins prudent, mais confiant, sur l’avenir de l’ALENA.
Ils sont partout ! Les ministres canadiens poursuivent cette stratégie de contournement de l’administration Trump afin d’aller expliquer directement sur le terrain aux élus américains les dangers en cas d’abrogation de l’ALENA, le traité de libre-échange entre USA, Mexique et Canada, que Donald Trump menace. Pour le président américaine, la priorité est de rétablir un équilibre plus propice aux Etats-Unis dont la balance commerciale s’est surtout aggravée au profit du Mexique. Et, pour le moment la campagne canadienne connaît un certain succès, puisque le président américain est toujours à la table des négociations, malgré ses menaces. Mais le président Trump risquant d’avoir les mains liées par l’opposition après les élections de mid-term (en novembre), il se pourrait que tout s’accélère rapidement.
C’est dans ce cadre sensible que le ministre des Transports Marc Garneau est revenu en Floride, changeant au passage de moyen de transport (les navettes spatiales n’étant plus en service). Il était déjà venu auparavant afin de sensibiliser le gouverneur Rick Scott et son prédécesseur Jeb Bush sur le même sujet, et cette fois-ci ce sont les maires d’Orlando, Broward et Hollywood qui étaient à son tableau de chasse, avec au passage un retour à Canaveral où l’ancien astronaute a pu assister au lancement d’un satellite bardé de technologies canadiennes. Il a également rencontré les entreprises francophones avec la Chambre de Commerce CCQF, et enfin la presse, dans la plus québécoise des villes de Floride : Hollywood Beach, en compagnie de la consule générale du Canada à Miami, Susan Harper.
– LE COURRIER DE FLORIDE : Il y a une grande incertitude sur l’état des négociations en cours, pouvez-vous nous donner votre sentiment sur leurs avancées ?
– Marc GARNEAU : Nous en sommes au septième round de négociations sur l’ALENA, et nous sommes tous d’accord sur la nécessité de moderniser le traité. Nous planifions une 8ème rencontre, probablement à Washington. Depuis la mise en place de l’ALENA, les échanges entre le Canada et Etats-Unis ont triplés, et ils ont été avantageux pour nos deux pays.
« Notre campagne commence à porter ses fruits »
– LE C.D.F : Donc il n’y a plus de menace pour que la Maison-Blanche envoie l’accord ALENA dans l’espace ?
– M.G : M. Trump a mentionné à plusieurs reprises la possibilité de sortir de l’accord ALENA, certes. Mais d’une part il y a les déclarations publiques, et de l’autre il y a les négociations derrière la scène. Il ne faut jamais juger des négociations internationales uniquement à travers ce qu’on peut lire dans les médias, et c’est précisément le cas sur ce dossier-là. Dans la réalité, chacun négocie des accommodements.
– LE C.D.F : Peut-on dire que, là aussi, Donald Trump utilise sa « stratégie du fou » : faire peur afin de mieux renégocier, mais sans avoir l’intention d’abroger l’ALENA (stratégie qu’il utilise avec la Corée du Nord, le traité de Paris sur le Climat etc…) ?
– M.G : Chacun à son style, et M. Trump a eu beaucoup de succès dans les affaires avec le sien, qui est différent du notre, mais au final le Canada et les Etats-Unis sont les meilleurs partenaires. Les négociations sont certes intenses, comme elles l’ont été avec l’Union Européenne. Mais le gouvernement américain souhaite travailler pour l’intérêt des Américains, et l’ALENA est justement dans son intérêt.
– LE C.D.F : Néanmoins, en un an, Donald Trump semble avoir convaincu son camp de la nécessité d’un protectionnisme qu’il était auparavant assez seul à souhaiter… et qui n’est pas vraiment votre logiciel politique au Canada ?
– M.G : C’est pour cela que nous sommes ici, afin de faire comprendre l’importance de l’ALENA, et avec l’espoir que nos interlocuteurs dans les Etats sauront faire passer le message à Washington.
– LE C.D.F : Et, justement, est-ce que le message passe bien ?
– M.G : Oui cette campagne commence à porter ses fruits. Les maires et les gouverneurs comprennent que beaucoup d’emplois sont à risque en cas d’abrogation du traité.
– Susan HARPER : En Floride, c’est un emploi sur cinq qui dépend du commerce international.
– M.G : En bon businessman, le gouverneur Scott comprend très bien les enjeux, par exemple. Le commerce entre la Floride et le Canada représente 8 milliards de dollars, 500 entreprises canadiennes présentes en Floride, 3,6 millions de touristes canadiens… 3,5 milliards de dollars de marchandises qui partent chaque année vers le Canada, dont 700M$ de produits agricoles : leurs oranges, leurs fraises, leurs tomates, que les Canadiens sont heureux d’acheter. S’il n’y avait plus l’ALENA, il y aurait alors des tarifs imposés dans les deux sens, donc une augmentation des coûts, une baisse des exportations et donc des disparitions d’emplois. Dans le sens inverse, si les Canadiens gagnent moins d’argent, ils viendront moins le dépenser en Floride. Le gouverneur mesure très bien les risques que pourraient faire courir une sortie du traité. Mais en fait ce sont 35 Etats des USA pour qui le Canada est le premier pays dans lequel ils exportent leurs productions. La chambre de commerce des Etats-Unis est aussi en faveur de solutions négociées.
– LE C.D.F : Vous attendiez-vous à cette immense tournée américaine quand vous avez intégré le gouvernement en 2015 ?
– M.G : Nous avons décidé ensemble au gouvernement de cette stratégie, et je crois que c’est la bonne. Je préside d’ailleurs au Cabinet le comité chargé des questions concernant les relations canado-
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