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« Le Canada va taxer des produits américains » : interview de Susan Harper, consule du Canada à Miami, après la réinstauration par Donald Trump des tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium

Quelques jours après l’entrée en vigueur (le 1er juin) des tarifs douaniers américains sur l’acier (25%) et l’aluminium (10%), le gouvernement canadien prépare sa riposte, en attendant les Européens qui feront probablement de même avant la fin du mois.

Depuis l’élection de Donald Trump, les émissaires canadiens présents sur le sol américain se sont transformés en une petite armée sensibilisant jour après jour au maintien du commerce libre entre les pays d’Amérique-du-Nord. Ainsi, à peine le week-end écoulé, les consuls canadiens présents aux Etats-Unis invitaient la presse à une petite discussion afin de leur expliquer tout le bien qu’ils pensent des « tariffs » appliqués par Donald Trump depuis vendredi dernier. Le Premier Ministre Justin Trudeau a résumé leur position en deux mots : « insultant et inacceptable« . Les oranges de Floride et les Harley-Davidson de Milwaukee pourraient bien à leur tour avoir du souci à se faire pour passer la frontière dans les semaines qui viennent : il y aura rétorsion !

Rencontre avec la consule générale du Canada à Miami, Susan Harper (photo).


RAPPEL DU PROBLEME :

Les classes moyenne et pauvre des Etats-Unis ont élu Donald Trump président fin 2016 afin de revitaliser l’économie américaine. Les solutions avancées devant eux par le candidat pour « rendre l’Amérique grande à nouveau« , étaient d’ordre protectionniste. Donald Trump met aujourd’hui ses promesses électorales en pratique, notamment en rétablissant certaines barrières douanières ; en renégociant le traité de libre-échange avec le Mexique et le Canada (traité ALENA) ou encore en taxant les entreprises américaines produisant à l’étranger. Sur ce dernier point il a déjà connu quelques succès (par exemple avec l’annonce de la création de nombreux emplois par Apple sur le territoire américain). Néanmoins, avec les taxes douanières qui viennent d’être rétablies, c’est la plongée vers l’inconnu économique, car les partenaires des Etats-Unis ne se laisseront pas faire : aussi bien le Canada que le Mexique où l’Union Européenne comptent taxer autant de marchandises américaines que nécessaires pour compenser leur perte.



LE COURRIER DE FLORIDE : Est-on en train de vivre la fin du libre-échange mondial ?

SUSAN HARPER : Non. Sur l’ALENA les négociations avancent bien. Il y a encore des points délicats à régler, mais le Canada a conscience sur ce dossier comme sur celui de l’acier et de l’aluminum qu’il y avait des déséquilibres dans les échanges internationaux.

LE CDF : Le Canada n’est donc pas seulement en position défensive sur le sujet…

S.H : C’est notre volonté de régler les problèmes, et il n’y a pas que les entreprises américaines à en pâtir : des Canadiens étaient aussi intéressés à ce que la situation soit améliorée. Je rappelle que sur l’ALENA nous avons fait des propositions avant celles des Etats-Unis.

LE CDF : Mais le calendrier ne semble pas aller très vite, et les élections au Mexique ne risquent-elles pas de faire reprendre les discussions à zéro ?

S.H : Je ne le pense pas. L’un des principaux points de blocage, c’est la possibilité demandée par les Etats-Unis de renégocier l’ALENA tous les cinq ans. Ce traité sert à apporter une stabilité aux entreprises, alors vouloir ainsi le renégocier constamment, c’est rechercher l’effet inverse de ce qui est souhaitable. Mais le dossier avance bien, je vous l’assure.

LE CDF : Quelles seront les mesures prises pour contrer la taxation américaine sur l’acier et l’aluminium ?

SH : Le gouvernement canadien va consulter les citoyens durant deux semaines avant de décider. Mais malheureusement – car nous ne le souhaitons pas – nous allons devoir également taxer l’acier et l’aluminium, tout comme un certain nombre d’autres produits américains. Par ailleurs, comme l’Union Européenne nous portons plainte auprès de l’Organisation Mondiale du Commerce car ces taxes sont illégales. Les Etats-Unis ont invoqué l’article 232, « menaces sur la sécurité nationale », afin d’imposer ces taxes ,et c’est totalement illégal, en plus d’être contre-productif..

LE CDF : La « raison d’Etat » ne peut-elle être invoquée pour rétablir la balance commerciale américaine ?

S.H : Pas de cette manière ; pas au mépris des partenaires internationaux, ni pour les raisons invoquées de « sécurité nationale ». Chacun sait de quelle manière étroite le Canada et les USA sont partenaires en matière de sécurité.

LE CDF : Mais aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis, de forts mouvements de contestation remettent en question de plus en plus les bienfaits de ces traités de libre-échange ?

S.H : En Amérique du Nord, le traité de libre-échange a été signé pour que nos pays obtiennent plus d’efficacité et de croissance. C’est ce qui s’est passé : la création de richesse a été au rendez-vous. S’il y a un problème de redistribution de ces richesses, c’est une affaire interne aux pays, pas aux relations commerciales entre le Canada, le Mexique et les Etats-Unis.

Pour revenir à l’instauration des tarifs douaniers, même le syndicat des travailleurs de l’acier appelle à une exemption de cette taxe entre les Etats-Unis et le Canada. Car il ne faut pas oublier que le Canada est depuis 50 ans le principal importateur d’acier américain. L’an passé nous en avons acheté la moitié, pour une valeur de 2 millards de dollars. Ces tarifs douaniers ne seront donc pas à l’avantage des Etats-Unis. Tout cela n’a aucun sens.

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