Vu de Floride, cent ans après l’horrible Première Guerre Mondiale
Le 11 novembre, ce sera le centenaire de l’armistice de 1918, et il est important de prendre un moment pour se rappeler, même « vu de Floride », cet épouvantable conflit.
Voir aussi :
– « La Grande Guerre a accéléré la brutalisation des sociétés » (interview d’Annalea Vincent)
Après des campagnes de sabotages dans les usines américaines, des cargos torpillés, c’est un télégramme allemand qui va finir de convaincre les Etats-Unis : en février 1917, les Allemands ont proposé aux Mexicains de former une alliance contre les USA. Le 6 avril 1917 les parlementaires de Floride votent à l’unanimité l’entrée en guerre des Etats-Unis demandée par le président Wilson. La plupart des médias locaux saluent aussi la participation au conflit en Europe. Quelques journaux sont modérés mais la plupart souhaitent aider à ce que le conflit se termine. Il n’y a plus de débat sur la question, et finalement, la secte « koreshan » d’Estero semble la seule organisation « pacifiste » à s’opposer ici à la mobilisation américaine : guerre il y aura. Le 4 juillet suivant Pershing sera sur la tombe de Lafayette où il prononcera un discours qui est resté célèbre, entre autre pour ses mots de conclusion : « Lafayette We’re Here« . Presque 150 ans après l’intervention de la France aux côtés de Washington, les Etats-Unis, désormais pays libre, vont rendre la pareille. Pershing traversera les lignes allemandes en profondeur durant l’offensive Meuse-Argonne, les forçant au prix de nombreux morts, à demander l’armistice. Pourtant, quelques mois seulement auparavant, c’étaient les Allemands qui étaient encore à l’offensive. L’intervention américaine aura donc été déterminante.
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Arthur Rimbaud
Regarder le conflit à travers le prisme de la Floride peut donner autant le vertige qu’en saluant un monument aux morts d’un village de la Sarthe ou de la Creuse : en 1914 il n’y avait que 925 641 habitants en Floride, et ce sont 42030 d’entre eux, des jeunes Floridiens et Floridiennes (dont 36% d’afro-américains), qui ont intégré les 4 millions de membres des forces armées américaines. 35829 Floridiens rejoignirent l’US Army, 5963 intégrèrent l’U.S. Navy et 238 devinrent des Marines. Des centaines de jeunes femmes s’engagèrent comme infirmières ou secrétaires dans ces corps d’armées. Le jour de l’armistice, le 11 novembre 1918, deux millions de combattants américains étaient en Europe dont 1 million qui se battait effectivement ce jour-là : leur présence a changé l’issue du combat. Les Américains eurent 126 000 tués durant le conflit, 234 300 blessés, 4 526 disparus et 2 450 prisonniers de guerre (sur un total de 10 millions de morts). Le chiffre de 1200 Floridiens tués peut ainsi paraître « peu » mais, mis en perspective, jusqu’ici, à l’autre bout du monde, ce conflit a tout de même mobilisé des vies et en fauché beaucoup trop… Cent ans plus tard, nous pensons encore à eux : leur sacrifice a sauvé un très grand nombre de vies en Europe.
Voir aussi : www.floridamemory.com
N’oublions jamais la Grande Guerre (Editorial du Courrier de Floride)
La Première Guerre Mondiale ne fut pas une guerre comme une autre. Elle permit d’expérimenter toutes les armes contemporaines, et de s’en servir à loisir pour exterminer, avec une ingéniosité jamais atteinte et pour un résultat dépassant tout entendement. Malheureusement, la leçon ne fut pas retenue, et la guerre repris 21 ans plus tard entre les puissances européennes, avec une technologie encore plus affinée. Mais cent ans après, mille ans après ce carnage de 1914-18 : il devra rester dans les mémoires non comme « une guerre comme une autre », mais comme un symbole qu’on ne devra véritablement jamais oublier. Et il est important de le redire aujourd’hui. Plus encore car, aujourd’hui que les « poilus » sont tous morts, il serait trop facile d’oublier.
La « guerre » était quelque chose d’envisageable au temps des hommes des cavernes, au Moyen-Âge, mais, aujourd’hui, la technologie la rend moralement impossible. La guerre ne doit plus exister, sauf à vouloir faire sauter la planète. C’est l’une des leçons de 1914-18. Les autres leçons, c’est d’abord que l’amitié est possible entre les peuples, même après un tel carnage. Et enfin… ultime leçon : il vaut mieux éviter la naïveté politique… éviter de croire que ça ne reviendra jamais… mais plutôt tout faire pour que ce ne soit pas le cas. C’est le meilleur hommage qu’on peut rendre aux morts de 14, de 18, de 40 ou de 45, de 70 et de toutes les autres « numéros » qu’on n’oubliera jamais. Merci aux Américains et aux Canadiens d’être venus aider les Européens à le comprendre.