Record mondial de coronavirus : Trump va-t-il adopter la stratégie néerlandaise ?
Le 24 mars, le président américain a prévenu sur Fox News qu’il entendait rouvrir l’économie du pays vers le 12 avril et les fêtes de Pâques, assurant que le « lock down » (confinement) ne pourrait « pas durer éternellement » (actuellement, des villes et des comtés se sont librement placés en confinement dans le pays, mais ce n’est pas une obligation pour les collectivités).
MISE A JOUR : Le président américain demande désormais à ce que la « distanciation sociale » dure jusqu’au 30 avril –
Ceci est un éditorial, par une information ; votre opinion compte autant que la mienne : merci d’être bienveillant dans les commentaires !
Pourtant, la veille, Donald Trump assurait encore que l’épidémie était « sous contrôle ». Que s’est-il passé en vingt-quatre heures pour qu’il n’envisage ainsi plus de la contrôler ? C’est assez simple : les Etats-Unis étaient en train – progressivement, mais très rapidement – de prendre la première place mondiale de cas de Coronavirus (ce qui est finalisé depuis ce 26 mars). Et ce n’est pas près de s’arrêter. La bonne nouvelle, si les Etats-Unis sont en tête, c’est qu’ils arrivent (enfin) à détecter les cas de coronavirus (ça a pris du temps à démarrer : beaucoup ne voulaient pas initialement se faire tester afin de ne pas avoir à payer à la fois le test, et les frais médicaux qui auraient pu en découler). Mais, quoi qu’il en soit : l’épidémie est ainsi totalement hors de contrôle. Tant qu’il reste des lits d’hôpitaux et des machines pour aider les malades à respirer, le désastre sanitaire n’a pas encore pris de dimension surréaliste (on en est quand même déjà à plus de 1000 morts). Mais il ne faut pas trop compter sur un miracle dans les jours qui viennent…
Voir aussi :
– Vous pouvez lirez tous nos articles sur la crise du coronavirus aux Etats-Unis en cliquant ici
Ainsi, le 24 mars Donald Trump a indiqué que « Les Etats-Unis n’ont pas été créés pour être bloqués« . Certains y ont vu un slogan, d’autres ont insinué qu’il voulait préserver ses business personnels (hôtels etc…). Les plus remontés contre le président ont même assuré qu’il voulait que « son électorat chrétien puisse fêter Pâques ». C’est certainement passer à côté de l’essentiel. Les Etats-Unis n’ont pas le même rapport à la liberté que la France ou la Chine. La liberté, ici c’est l’ADN du pays. En France ce serait plutôt « l’égalité », alors qu’en Chine il n’y a que l’Etat à être libre de faire ce qui lui plaît (et pas les citoyens chinois). Résultat, face à l’épidémie, les comportements de ces trois pays sont différents. Aux Etats-Unis bien des élus ont rechigné (avant Trump) à fermer les villes, au nom des libertés individuelles (et aussi, c’est vrai, de la liberté d’entreprendre). Un pays comme le Royaume-Uni, qui a « inventé la liberté » (et le commerce !), a eu également beaucoup de mal à se confiner. Il aura fallu que la mort de jeunes malades choque l’opinion publique pour que le gouvernement change d’avis. Quant aux Pays-Bas, ils résistent pour le moment encore au confinement intégral. La théorie initiale des virologues néerlandais était que, de toute façon, la moitié des habitants allaient attraper le covid-19, quelle que soit la stratégie sanitaire mise en place. Le gouvernement comptait en conséquence que le pays puisse acquérir une « immunité collective ». Pour faire court : quand (environ) 60% des habitants ont attrapé le virus, ils forment une sorte de « cordon protecteur » qui peut protéger les personnes les plus vulnérables (il faut toutefois que les « personnes vulnérables » en question aient été protégées durant la première phase, cela va de soi). Mais la Hollande est actuellement sous les regards de la communauté internationale, car elle pourrait bien très rapidement ne plus avoir assez de lits pour ses malades. En tout cas, la Belgique (pays limitrophe) n’a pas envie d’en faire les frais : elle a bouclé sa frontière à double-tour !
Mais revenons aux Etats-Unis. Le New-York Times (qui est rarement d’accord avec Trump) a publié une modélisation montrant, qu’il y aurait aux USA beaucoup moins de morts et d’hospitalisés en poursuivant le confinement qu’en l’arrêtant. Et le quotidien de suggérer qu’il faudra rester confiné au moins deux mois. Le journal qualifie l’hypothétique « déconfinement » de possible « erreur historique » de la part de Trump.
Le Gettysburg de Donald Trump
Effectivement Donald Trump est confronté à l’Histoire : ce coronavirus, c’est son « Gettysburg » à lui (1). Que va-t-il faire ? Remettre les actifs au travail ? Pour le moment il a promis de leur envoyer des chèques. Et c’est bien normal, puisqu’ils ne peuvent bénéficier de la protection sociale comme dans les pays d’Europe. Il faut bien que ceux-là survivent économiquement. Mais Trump se pose forcément la question de la durée de cette situation. Et elle se posera aussi un jour pour le New-York Times et les pays d’Europe : combien de temps peut-on rester avec une population qui ne travaille pas (2) ? Deux mois ? Trois mois ? Douze mois ? Où est donc la limite ? (3)
En attendant, la situation sanitaire américaine se dégrade, ce qui était prévisible (à tel point qu’on l’avait prévu) et, si la médecine est extrêmement performante dans le pays, il n’est pas du tout évident qu’elle puisse faire face à une telle épidémie. Imaginez l’effet que ferait sur l’opinion publique des tentes transformées en mouroirs et une hécatombe de vieux comme de jeunes ?
L’autre handicap sérieux sur cette voie de la « réouverture », c’est que le président des Etats-Unis d’Amérique n’a pas le pouvoir d’arrêter les blocages des villes : c’est à l’échelle locale que ça se passe. Le locataire de la Maison-Blanche ne peut, en la matière, qu’émettre des avis. Et pourquoi les maires et gouverneurs iraient se contredire au plus fort de la crise sanitaire après avoir bloqué leurs collectivités des semaines auparavant ?
Le dilemme est donc important pour l’administration américaine qui semble hésiter. Kellyanne Conway, la conseillère du président, a relativisé ce jeudi le fait que l’administration allait « tout rouvrir le 12 avril », en indiquant en fait qu’ils allaient prendre leurs décisions en analysant « les faits provenants des données« . Mais il ne va pas falloir tarder à choisir une voie : l’incertitude est vectrice de panique.
Gwendal Gauthier
– 1 – Gettysburg : bataille de la guerre de Sécession lors de laquelle, début juillet 1863, l’Union a pour la première fois écrasé les armées sudistes, ouvrant la possibilité de la victoire à Abraham Lincoln.
– 2 – Tiens, ça pourrait faire un bon sujet pour le prochain bac de philo.
– 3 – Et, pour complexifier l’équation : l’Europe pourrait-elle rester au chômage si les autres blocs concurrents (Chine, Etat-Unis), reprenaient la production à plein régime ?
PS – Un message pour nos lecteurs :
Si vous êtes dans l’embarras, dites-vous déjà que… presque toute la planète en est au même point (Si ça peut rassurer un peu !) Si vous avez de graves problèmes sur le territoire américain, n’hésitez pas à en faire part à vos compatriotes Français (et francophones). Et si vous êtes en mesure d’aider les autres, merci de venir proposer aides et conseils sur notre groupe Facebook consacré à l’épidémie aux Etats-Unis. c’est par ici : www.facebook.com/groups/264386591225249/
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