Présidentielle aux Etats-Unis : comprendre les problèmes liés au vote par correspondance
« He’s going postal ! » Cette expression américaine signifie que quelqu’un entre dans une colère incontrôlable (en référence à un employé de l’USPS (la poste) qui avait tué quatorze collègues en 1986). Et aujourd’hui, la poste et les votes qu’elle transporte sont au centre de toutes les attentions. Donald Trump assure qu’il y aura durant cette élection du 3 novembre « la plus grande triche jamais organisée ; les Etats-Unis seront la risée du monde ». Dans sa ligne de mire, le vote par correspondance. Deuxième problème : si le résultat de l’élection est serré le 3 novembre, le nom du nouveau président des Etats-Unis pourrait bien ne pas être connu avant plusieurs jours ou semaines après l’élection, le temps que les bulletins arrivent et soient pris en compte.
LES FRAUDES POTENTIELLES
Les soupçons de fraudes sont classiques : des électeurs qui pourraient voter deux fois, ou des partis qui font voter des personnes âgées pour leur candidat même si elles ont signifié vouloir voter pour l’autre, des bulletins volés, etc… Le risque de triche a toujours existé, mais deux facteurs rendent cette potentielle fraude plus grave :
– En raison de la crise du covid, il va y avoir beaucoup plus de votes par correspondance. En 2016, ce sont 33 millions d’Américains qui avaient choisi ce procédé, mais cette fois ce sont 76% des électeurs qui ont déclaré vouloir voter de cette manière, (dans un sondage publié le 15 août dans le quotidien New York Times).
– Les votes par correspondance ne sont pas équilibrés : ils bénéficient toujours plus à un parti qu’à l’autre, en l’occurence au candidats du Parti Démocrate. Selon une étude ce serait 47% des électeurs Démocrates qui pourraient voter par courrier, et seulement 28% des Républicains. L’enjeu du scrutin étant de gagner les « Swing States » (état indécis) c’est là qu’ils pourraient faire la différence. Dans celui qui rapporte le plus de délégués, la Floride, au 25 août deux millions de Démocrates avaient demandés ces bulletins de vote, alors que seulement 1,37 million de Républicains l’avaient fait. S’il y a fraude, elle pourrait donc avoir des conséquences sur la sincérité du scrutin.
LE NOM DU PRESIDENT SERA-T-IL CONNU LE 3 NOVEMBRE ?
Si les fraudes « massives » restent à démontrer, en tout cas il y a vraiment un risque sur le fait de pouvoir connaître le nom du président au soir du 3 novembre. En effet, un score trop serré dans un seul Etat peut enrayer la machine. Ce fut le cas en l’an 2000 où les bulletins de George W. Bush et Al Gore durent être recomptés en Floride pour savoir qui avait gagné. Le vainqueur (Bush) ne fut connu qu’un mois après l’élection.
Or cette fois un très grand nombre de bulletins en faveur des Démocrates vont arriver APRES le 3 novembre, et dans certains Etats ils seront bel et bien comptabilisés, le cachet de la Poste prouvant (ou pas) qu’ils ont été postés avant la date limite. Les performances de rapidité de l’USPS (la poste américaine) va donc compter !
En conséquence, si Joe Biden arrive en tête le 3 novembre, les bulletins en retard pourraient ne rien changer le résultat final. Mais si c’est Donald Trump qui apparaît vainqueur avec une trop faible avance dans les Swing States, le résultat pourrait de ne pas être totalement définitif ce jour-là. Et si c’est trop serré sur un seul Etat (comme la Floride en 2016), le recomptage devrait être un événement assez tendu. Pour William Evanina, directeur du Centre national du contre-renseignement et de la sécurité (NCSC) : « Nous devons nous préparer, en tant que nation, à ce que notre élection ne soit pas décidée le 3 novembre« .
A noter que les Démocrates courent aussi quelques risques dans cette multiplication des votes par correspondance. Les bulletins de vote sont assez complexes aux Etats-Unis car ils ne portent pas uniquement sur le choix du président, mais aussi sur d’autres questions. Or dans certains Etats ils peuvent être assez difficiles à remplir… et assez faciles à être rejetés. Dans le Nevada par exemple, si l’enveloppe ne comprend pas le tampon de la poste, elle est rejetée. En Pennsylvanie, le bulletin doit être dans deux enveloppes. Si ce n’est pas le cas, il est rejeté. Et il y a beaucoup de règlements différents un peu partout. Lors de la Présidentielle de 2016, il y avait déjà eu 316 000 « bulletins nuls », et cette fois ça pourrait ainsi dépasser le million. Et comme il devrait y avoir plus de bulletins démocrates, c’est eux qui ont le plus à y perdre.
Voir aussi nos articles :
– Le programme de Donald Trump
– Quels sont les Swing States (états pivots) en 2020 ?
– Tous nos articles sur les élections présidentielles américaines
PUBLICITE :
Un commentaire