Un petit problème de réseau a-social (notre chronique américaine)
Les mass médias critiquent beaucoup la crédulité des citoyens occidentaux, notamment quand ils s’engouffrent dans des théories conspirationnistes. Mais les récentes actualités sur les réseaux sociaux nous incitent à penser que, parfois, les mass médias (aussi) tentent de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. De grosses lanternes.
Il y a d’abord une certaine obsession de leur part pour ce qui m’apparait être des lubies. Par exemple Twitter (ou Mastodon dont on parlera plus tard). Je précise, évidemment, que je n’ai strictement rien contre aucune forme de médias. Mais vous connaissez beaucoup de gens qui utilisent souvent Twitter vous ? Moi j’en connais : des journalistes, des politiciens, et des gens qui se prennent pour l’un ou pour l’autre. Mais presque personne en dehors de ces deux sphères-là (qui sont très interconnectées). Personne des villes et villages où j’ai habité : quasi aucun Américain, Canadien ou Français que je connaisse et soit extérieur aux deux sphères mentionnées. Il y a un petit « entre nous » sur Twitter qui ne me plaît pas beaucoup.
Alors, vessie ou lanterne ? On peut se demander si Elon Musk lui-même ne s’est pas laissé capturer dans les phares de bien grosses lanternes. En effet, c’est après avoir signé son achat de Twitter qu’il a commencé à réclamer à l’entreprise de savoir combien elle comptait de VRAIS abonnés.
Trop tard.
Bon, donc Twitter c’était mieux avant. Soit. A peine le milliardaire avait acquis l’entreprise, et tenté de l’assainir (d’une manière dont je ne disserterai pas ici)… que les mass médias occidentaux, propriétés de milliardaires qui n’avaient auparavant pas assez de mots doux pour Musk, se mettaient tous à publier des articles nous expliquant que « tout le monde fuit désormais Twitter pour aller sur Mastodon ». Vu la densité de la campagne en faveur de ce réseau Mastodon créé en 2016, je me suis dit : « cette fois ils vont vraiment réussir à créer un nouveau réseau social alternatif ». Donc… j’ai essayé de m’y inscrire. J’ai d’abord eu beaucoup de mal à comprendre comment il fallait procéder (choisir un serveur etc…) puis une fois mon compte ouvert je me suis connecté et déconnecté trois fois avant de me rendre à l’évidence d’une fatalité : désormais je m’appelle Noé Walter. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est comme ça. J’ai rédigé un premier message et, vu que ça n’avait pas plus d’utilité que d’être inscrit sur Twitter, donc j’ai arrêté. Oui, ça sert (apparemment) à quelque chose si vous êtes dans une communauté spécifique, un « micro-entre-nous ». Par exemple si vous êtes un journaliste turc et que vous voulez discuter avec d’autres journalistes turcs, c’est bien. Ou si vous êtes un politicien lusophone, par exemple et que vous voulez parler avec des politiciens lusophones, c’est parfait. J’ai essayé de m’inscrire dans une communauté francophone en Amérique, mais ça n’existait pas encore. Donc je me suis désinscrit.
Par le passé, j’ai plaidé à plusieurs reprises pour la création d’un grand réseau open source public afin de remplacer LE réseau social (Facebook). Ca devrait être réalisé un jour, j’en suis convaincu, et c’est pour ça que j’ai été rapidement tester Mastodon dès que j’en ai entendu parler, car ç’aurait pu être ce réseau qui allait devenir LE nouveau grand réseau du futur. Mais malheureusement, alors que LE réseau actuel est fracturé (les ados sont partis sur Tiktok, beaucoup de femmes n’utilisent qu’Instagram, les gays sur gay-machin, les trumpistes sur Parler ou encore Truth, et les politiciens et journalistes sur Twitter (et les racistes aussi) (sans oublier le succès de Youtube), la création de Mastodon va plus dans le sens d’un effritement du réseau que de la création d’un nouveau grand réseau unique où chacun peut se constituer son micro-réseau (comme c’est le cas de Facebook). C’est dommage. Sans paler de « l’effet bulle » : des gens s’enferment avec des personnes qui pensent la même chose qu’eux. Précisons d’ailleurs à propos de Mastodon qu’il s’agit, d’après ce qu’on peut voir, surtout d’un flux de dissidents de Twitter, horrifiés par le retour de Trump, qui se mettent dans leur petite bulle à eux. On est donc vraiment loin du « futur grand réseau ».
Mais, si l’avenir me donnait tort, alors bien évidemment, j’applaudirai.
Un mot sur le débat censure V/S liberté d’expression
Les deux idées qui se cachent derrière ce débat sont aussi idiotes l’une que l’autre. La censure est une chose abjecte, c’est une évidence. Le fait que des réseaux puissent privatiser l’expression, la censurer, me paraît un problème depuis la création de Facebook. Quand on lit dans le règlement de Mastodon qu’ils interdisent « les propos offensants »… On croit rêver. Bon courage à vous pour appliquer ça !!!
D’un autre côté, ceux qui se manifestent « pour la liberté d’expression », soit ils ne savent pas de quoi ils parlent (cette liberté d’expression a toujours été encadrée par la loi) soit – comme Elon Musk – ils vous disent qu’ils sont pour la liberté d’expression… mais que bon quand même on ne pourra pas dire n’importe quoi sur leur réseau. Ouf !!!
Effectivement, il faut que l’expression soit encadrée par la loi (comme c’est le cas depuis le Moyen-Âge pour la diffamation, les menaces etc…) et donc par les pouvoirs publics. Tant qu’ils ne l’auront pas compris, on continuera de naviguer en absurdie.
Technologies du futur ?
Aujourd’hui j’essaye de distinguer les vessies des lanternes dans les marécages virtuels, ce qui m’amène au deuxième événement récent sur les réseaux sociaux dont je tenais à vous parler.
Pendant presque 100 ans, le futur de la planète Terre a été incarné dans la Science-Fiction par les « voitures volantes ». Ce qui n’est pas arrivé et n’arrivera pas (déjà parce que, des voitures volantes, ça existe depuis longtemps : ça s’appelle des avions !!!). Mais certains ont réussi à réinventer à leur (plus grand) profit « le futur de la planète Terre ». C’est le cas de Mark Zuckerberg. Durant l’été dernier tous les mass médias (les mêmes que ceux qui vantaient Mastodon) ont relayé le pronostic (intéressé) de Zuck nous assurant que demain le Métavers sera un élément déterminant et incontournable pour l’humanité. Dans notre édito de septembre nous assurions que, pour notre part, nous ne voyons pas plus de raison d’y croire qu’à l’existence du Père Noël. Il semblerait que depuis fin octobre, et les résultats catastrophiques de la société « Méta » (propriétaire de Facebook), nous soyons moins seuls à avoir des doutes sur ce que sera le Métavers.
Dans le même genre, on pourrait aussi parler des « voitures sans chauffeur ». Là on y voit une certaine utilité, notamment – si ça fonctionnait – pour les compagnies d’assurances, qui forceraient alors l’interdiction de la conduite par des humains. Mais des dizaines de milliards de dollars ont été investis dans cette technologie et… si elle s’impose dans le futur, force est de constater que ce ne sera pas un futur… proche. Aucun élément ne nous indique que ça pourrait être le cas.
Alors, oui, vive le progrès ! Mais si vous avez à investir en bourse… faites attention de ne pas tout miser sur une vessie (et en tout cas d’enlever votre argent avant qu’elle ne se dégonfle) !
De quoi le Métavers est le nom ? (Editorial du Courrier des Amériques)
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