Le point sur les droits de douane… et l’inflation

De notre point de vue, sur cette histoire de droits de douane, depuis le début Donald Trump marche sur des œufs au volant d’un rouleau compresseur, et à la date du 18 août on n’a toujours pas changé d’avis !
Le 3 février 2025 (et dans nos éditions suivantes), Le Courrier des Amériques était le seul journal de la planète à expliquer que Donald Trump ne faisait pas que menacer de droits de douane, mais qu’il allait effectivement les mettre en place. Bien sûr il ne l’a pas fait sans essayer auparavant de négocier différents avantages en fonction des pays. Problème pour Trump : six mois après le début de ces menaces, arrivée à la fin du mois de juillet, un grand nombre de pays étaient (négativement) choqués par sa manière de négocier (à commencer par l’Inde, le Brésil, le Canada et la Chine…) et seuls le Vietnam et la Grande-Bretagne lui avaient cédé. C’est à ce moment-là, le 27 juillet, que la présidente de la Commission Européenne s’est déplacée sur un golf d’Ecosse où elle lui a également cédé : 15% de droits de douanes pour l’entrée des produits européens sur le territoire des USA, contre 0% en sens inverse (1). Plusieurs pays de l’Union Européenne ont alors protesté contre la décision de leur présidente, en vain.
Ainsi, ce que Trump cherche avec ces « tariffs », ce n’est pas la « parité » des tarifs douaniers, mais une compensation pour le déficit (très important) de la balance commerciale américaine. Les objets « made in America » se vendent mal dans le monde, et le président américain souhaite que les autres pays payent le sien pour compenser ce déséquilibre, et, de facto… pour avoir le droit de faire du commerce avec les USA. C’est original, ça contraste fortement avec les doctrines commerciales que les États-Unis ont longtemps promues à l’échelle internationale, mais c’est ainsi. L’autre objectif de ces droits de douanes, c’est une réindustrialisation des Etats-Unis, et un dollar plus faible qui leur permette d’exporter plus.
Si réindustrialisation il y a, elle ne se fera pas en 4 ans, mais en tout cas il est effectivement possible de la relancer, c’est certain, surtout avec une force de persuasion du président sur les grands groupes Américains, pour qu’ils relocalisent dans leur pays de naissance.
Le fait que l’Union Européenne cède, est bien sûr une bonne nouvelle pour Donald Trump, car ça pourrait avoir un « effet domino » sur les autres pays. Mais trois semaines après l’UE, aucun autre pays n’avait encore cédé, à commencer par les grandes puissances (Chine, Inde, Russie, Brésil…).
La plupart des mass médias (démocrates comme républicains) ou des économistes qui développent ou défendent un point de vue économique sont opposés depuis le début à ces droits de douane. Le très républicain Wall Street Journal les a qualifiés de « dumbest » (les plus débiles) par exemple. Certes, beaucoup ont salué le fait que Trump réussisse un 15-0 sur l’UE. Mais, sur le fond, « le monde d’avant » a toujours peur de l’instauration de ces droits de douane. Outre le déséquilibre dans les échanges, l’autre élément mis en avant, c’est qu’il s’agit d’un impôt supplémentaire pour les Américains. C’est temporairement vrai, puisqu’à long terme une réindustrialisation serait bénéfique à la fiscalité américaine. Mais la réindustrialisation est pour après-demain, alors que les droits de douane… c’est pour tout de suite. La catastrophe annoncée ne s’est toutefois par encore produite : l’inflation CPI (Consumer Price Index)) est à 2.6% aux USA sur les six premiers mois de 2025, avec un pic à 2.7% en juin et juillet, effectivement attribués aux droits de douane par un grand nombre de spécialistes. Il s’agit bien entendu de l’indicateur le plus surveillé par les Américains.
Ajoutons quelques nuances sur les droits de douane imposés au Canada. Si Trump parle désormais de « 35 % », les médias canadiens précisent qu’il s’agit de 35 % uniquement sur les 5 % de produits non couverts par l’accord international ACEUM. Donald Trump a indiqué qu’il comptait renégocier cet accord (qu’il avait lui même souhaité) l’année prochaine, mais du côté canadien, on doute fortement de la faisabilité d’une telle renégociation.
Si on part du postulat que Donald Trump a raison d’instaurer des droits de douane dissymétriques (point de vue qui n’est pas forcément majoritaire), il reste à juger sa méthode, et ses conséquences économiques. De nombreux pays se sont sentis insultés lors de ces tentatives de négociations, à commencer par le voisin canadien. Le choc a provoqué un manque à gagner important pour les USA. En avril Goldman Sachs estimait par exemple ces pertes dans une fourchette de 28 à 83 milliards de dollars en matière de tourisme et en raison d’un boycott commercial un peu partout sur la planète.
« L’art of the deal » selon Donald Trump est toujours la même : « sidérer avant de mieux négocier ». Mais il n’est pas certain que ce soit l’effet obtenu sur les BRICS ou le Canada, pour les exemples les plus flagrants. Réponse dans les semaines qui viennent !
Par ailleurs, paradoxalement, le déficit commercial américain s’est accentué au premier trimestre, puisque les revendeurs américains ont passé commande d’importants stocks de marchandises étrangères, afin d’anticiper la mise en place des droits de douane.
– 1 – Il ne s’agit pas de « zéro pourcent » sur tous les produits : aussi bien les USA que l’UE ont des pourcentages variables de droits de douane sur certaines produits. Acier, aluminium et cuivre, mais aussi des produits alimentaires spécifiques, continueront d’être taxés à l’entrée de l’UE, qu’ils soient américains ou pas. L’accord est très vague et reste à affiner.
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