« Vive le Québec Libre » (de Gaulle), c’était il y a 50 ans à Montréal
C’était le 24 juillet 1967, il y a tout juste 50 ans, le président Charles de Gaulle sortait sur le balcon de l’Hôtel de Ville de Montréal pour un discours qui allait marquer l’histoire, se terminant par ces quatre mots : « Vive le Québec Libre ».
Pour les Français de France, c’était une marque extraordinaire de « non-alignement » politique : 23 ans après la fin de l’Occupation, la France disait et faisait ce qu’elle voulait, n’en déplaise aux nations nord-américaines. Pour les Québécois, cette phrase fut un signe d’espoir, et l’entrée dans une nouvelle époque : grâce à la reconnaissance du « grand frère » français, le Québec pouvait se construire un destin en tant que nation, ou tout du moins l’espérer.
Dans sa vie, de Gaulle avait manqué ses coups d’Etat : il était bien évidemment opposé à celui d’Alger (1961), il n’avait déjà pas réussi à prendre le pouvoir en France en 1940, et il n’avait pas participé au débarquement de Normandie (il était arrivé 8 jours plus tard le 14 juin 1944. Il n’a d’ailleurs jamais participé aux commémorations du 6 juin). En 1967 au Québec, c’est donc l’heure de la revanche pour cet homme d’action : de Gaulle réalisera en même temps son coup d’Etat et son débarquement… chez les Canadiens ! Refusant de poser son avion à Ottawa (protocole canadien oblige), c’est donc en bateau qu’il traverse l’Atlantique pour arriver directement au Québec et mettre le feu au pays par quelques phrases bien senties… et un vol de micro resté célèbre sur le balcon de la mairie de Montréal !
QUID DE L’INDEPENDANCE AUJOURD’HUI ?
Cinquante ans et deux référendums sur l’indépendance plus tard (le dernier a été perdu par les souverainistes à 50 000 voix près), on n’y est toujours pas, loin de là. Les nouvelles générations sont assez insensibles à l’idée d’indépendance, et le gouvernement libéral de Philippe Couillard y est totalement opposé. Au contraire, il a rouvert le débat d’une signature de la constitution canadienne par le Québec (l’idée d’un nouveau débat sur le sujet a été rejetée par le premier ministre Trudeau). Et le premier ministre Couillard s’est même inquiété du manque d’intégration des minorités… anglophones du Québec (qui ont du mal à maintenir leur langue dans certaines parties de la Belle Province). Cette proposition, si elle est certainement utile, semble toutefois surprenante : les Québécois résidant en dehors de Montréal s’inquiètent plutôt, pour leur part, de l’anglicisation de leur capitale. Pour eux, Montréal pourrait bien être sur la voie de La Nouvelle-Orléans : d’abord bilingue, puis simplement anglophone, et plus du tout française. C’est en tout cas leur crainte. Et les exemples ne sont pas rares pour décrier les jeunes francophones qui discutent entre eux… en anglais dans les cafés de la ville.
De son côté, le Parti Québécois, qui porte depuis sa fondation l’idée d’indépendance, ne fait plus l’unanimité. Car, puisque l’indépendance n’est pas immédiatement possible, alors d’autres priorités politiques se sont invitées dans le débat, y compris pour les électeurs souverainistes. Le progrès social pour les uns (souverainistes de gauche) et le progrès économique pour les autres (souverainistes de droite), sont le nouveau marqueur politique. Les élections générales de 2018 devraient donc voir un camp souverainiste divisé en autant de partis, face au bloc libéral du premier ministre québécois Couillard.
Finalement, cinquante ans après, il est possible d’écrire que ce sont souvent les « hommes providentiels » qui font l’histoire. De Gaulle, Trudeau, mais aussi, côté souverainiste, les espoirs suscités par René Lévesque ou Jacques Parizeau (les deux premier ministres ayant convoqué un référendum en 1980 et 1995). Le Parti Québécois avait peut-être trouvé un nouvel homme providentiel en 2014 avec Pierre-Karl Péladeau, mais « PKP » a fini par quitter la politique deux ans plus tard, laissant le camp souverainiste à ses divisions.
Fait positif : le Canada (qui fête le 1er juillet son cent-cinquantenaire) est de nos jours bien moins considéré par les Québécois comme une « force occupante ». La crainte d’un appauvrissement du Québec en cas d’indépendance fait également peur à beaucoup. Pour ceux-là, la performance économique ne peut être que canadienne.
Néanmoins, la plupart des Québécois sont toujours inquiets par la préservation de leur singularité linguistique et culturelle, et il faut leur souhaiter d’être entendus. Car, libre ou pas… vive le Québec !
[ot-video type= »youtube » url= »https://youtu.be/xEJhyfmRHuA »]Le discours de de Gaulle à Montréal :
« C’est une immense émotion qui remplit mon cœur en voyant devant moi la ville de Montréal … française. (ovation du public) Au nom du vieux pays, au nom de la France, je vous salue. Je vous salue de tout mon cœur ! Je vais vous confier un secret que vous ne répéterez pas, (rires de la foule) ce soir ici, et tout le long de ma route, je me trouvais dans une atmosphère du même genre que celle de la Libération. (longue ovation de la foule)
Et tout le long de ma route, outre cela, j’ai constaté quel immense effort de progrès, de développement, et par conséquent d’affranchissement (ovation) vous accomplissez ici, et c’est à Montréal qu’il faut que je le dise, (ovation) parce que, s’il y a au monde une ville exemplaire par ses réussites modernes, c’est la vôtre! (ovation) Je dis c’est la vôtre et je me permets d’ajouter, c’est la nôtre. (ovation)
Si vous saviez quelle confiance la France réveillée, après d’immenses épreuves, porte maintenant vers vous. Si vous saviez quelle affection elle recommence à ressentir pour les Français du Canada, (ovation), et si vous saviez à quel point elle se sent obligée de concourir à votre marche en avant, à votre progrès ! C’est pourquoi elle a conclu avec le gouvernement du Québec, avec celui de mon ami Johnson (ovation), des accords pour que les Français de part et d’autre de l’Atlantique travaillent ensemble à une même œuvre française. (ovation)
Et, d’ailleurs, le concours que la France va, tous les jours un peu plus, prêter ici, elle sait bien que vous le lui rendrez, parce que vous êtes en train de vous constituer des élites, des usines, des entreprises, des laboratoires, qui feront l’étonnement de tous et qui, un jour, j’en suis sûr, vous permettront d’aider la France. (ovation)
Voilà ce que je suis venu vous dire ce soir en ajoutant que j’emporte de cette réunion inouïe de Montréal un souvenir inoubliable. La France entière sait, voit, entend, ce qui se passe ici et je puis vous dire qu’elle en vaudra mieux.
Vive Montréal ! Vive le Québec ! (ovation)
Vive le Québec… libre ! (très longue ovation)
Vive le Canada français ! Et vive la France ! (ovation) »
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