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Heurs et malheurs de la bande dessinée américaine

Les « comics » sont malheureusement les parents pauvres de la culture populaire américaine. Il ont certes autrefois été populaires, et il sont même devenus « collectors », mais ils ont de longue date sombré dans l’underground. En voici un panorama !


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Le tout premier Superman sur la couverture d'Action Comics, en juin 1938.
Le tout premier Superman sur la couverture d’Action Comics, en juin 1938.

En France, pour sa part, la bande-dessinée est devenue appréciée du grand public après que le belge Hergé ait publié son premier Tintin (1929) et surtout que les dessinateurs (français) aient lancé « Le Journal de Mickey » (1934). Aux Etats-Unis, les premières séquences dessinées (« comic strip ») apparaissent dans les quotidiens d’information de New-York à la fin du XIXe siècle, mais les noms dont on se rappellent le plus arrivent au début de la Grande Dépression, avec par exemple Betty Boop (1930) ou Popeye (1931) qui viennent remonter le moral d’un pays sinistré. L’âge d’or du Comic Book (magasine de BD) américain arrive un peu plus tard, en 1938, et d’une manière plus acrobatique : le magasine Action Comics commence alors à publier les aventures du journaliste (le même métier que Tintin) Clark Kent, sauf que, contrairement au reporter belge, Clark Kent a le pouvoir de voler. Ainsi, Superman lance la mode du Comic Book. Néanmoins, après la seconde guerre mondiale, les Comics sont décriés pour leur violence, puisque ces « avengers » passent leur temps à « faire justice ». Jusqu’aux années 1980 on peut même dire qu’il existe un fossé infranchissable entre les familles populaires qui laissent lire les BDs américaines à leurs enfants, et les autres qui se tiennent à l’abri des Batman, Spider-man, X-Men et autres gros bras édités par Marvel ou DC Comics.

La bande dessinée américaine est-elle condamné à être débile ?

En conséquence, alors qu’en France on trouve dès les années 1970 des BDs dans les plus petits supermarchés, aux USA il faut encore aujourd’hui aller fouiller dans le recoin de la seule grande chaîne de librairies du pays, Barnes & Noble, pour en trouver (ou dans les rares boutiques underground spécialisées). Dans la chaîne de librairie en question, d’une part vous avez les mangas japonais, assez populaires aux Etats-Unis (comme ailleurs), et de l’autre, en face, des imprimés collectors de super-héros et des produits dérivés de Star Wars. Ironie de l’histoire, les BD sont souvent plus sombres et violentes qu’elles ne l’étaient au XXe siècle, et en tout cas bien loin de l’esprit de Hergé ou de Mickey. Il y a même désormais des anti-héros comme Wolverine ou The Punisher qui se frayent des chemins sur papier glacé… Peut-on appeler ça une « évolution » ?

Ah, si, il y a eu UNE grande nouveauté au XXIe siècle : The Walking Dead. Mais ce nouveau siècle est surtout celui d’une mutation culturelle : aussi bien les survivants de l’apocalypse zombie que les vieux héros en combinaison moule-b*** se sont extraits des pages en papier pour aller voler beaucoup plus vite et beaucoup plus haut… au travers des grands et petits écrans. Ils sont même devenus plus qu’envahissants sur les plateformes de vidéos à la demande !

Alors, le cinéma a-t-il condamné la BD aux Etats-Unis ? Pas forcément. Déjà, il faut noter que les Etats-Unis comptent de très bons illustrateurs, notamment au rayon des livres pour enfants : Walter Disney et Dr Seuss ont fait des émules, y compris dans la catégorie de l’imprimé ! Et puis, le marché de la BD existe toujours bel et bien, notamment avec les super-héros, même s’il est assez incompréhensible de constater qu’ils occupent toujours la quasi-totalité de l’espace commercial. En cherchant bien, on trouve aussi quelques phénomènes sociaux, aussi bien japonais qu’américains, en passant par le Persepolis (franco-iranien) de Marjane Satrapi. Aux USA il y a par exemple Brian Fies qui a publié « Mom’s cancer » (Le Cancer de Maman) en 2005 ou encore « The Fire Story » narrant comment sa maison a brûlé en Californie, ou encore « Whatever Happened to the World of Tomorrow? » qui raconte comment les Etats-Unis ont eu un jour un futur prometteur… et que la réalité est aujourd’hui un peu différente. Mais chacun s’accordera sur le fait que ces trois titres ne sont pas vraiment très… « comic » (et en tout cas pas drôles du tout) !

LES FRANCO-BELGES ARRIVENT

En tout cas, dans ces rayons oubliés des dernières librairies des Etats-Unis, on ne sait même pas que Barbe-Rouge et ses pirates rodent près de la Floride ; on ignore à Nashville que les Tuniques Bleues sont bien près d’attaquer la ville, et Palomito, près de la frontière mexicaine, n’a jamais entendu parler du shérif Blueberry : les héros « Américains » de cet univers français sont à peu près inconnus sur le territoire des Etats-Unis.

Alors, Buck Danny et Lucky Luke sont-ils condamnés à rester Lonesome aux USA ?

Il n’y a pas de fatalité ! Les éditions Cinebook (des Français installés en Grande-Bretagne) arrivent à pénétrer le marché depuis 2005, avec une accélération notamment après la sortie du film « Valérian » qui a fait découvrir cette série. Comme le dit sa directrice, « plus nous traduirons de BDs européennes en anglais, et plus elles seront appréciées ! » C’est vrai qu’il fallait y penser ! Et puis, surtout, c’est la vente par internet qui permet de au XXIe siècle de jouer des coudes pour se faire de la place et trouver son public sur le marché US. Espérons en tout cas que ça se développe encore plus !

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