A LA UNE à Miami et en FlorideA LA UNE Actualité aux USAEDITORIAL du Courrier des AmériquesINFOS INTERNATIONALES

Le Rideau de Fer vient de retomber (éditorial du Courrier des Amériques)

Il y a, certes, une guerre en Ukraine, avec des responsabilités directes des uns et/ou des autres, mais il y a aussi une situation internationale plus large, dont il pourrait (vous en jugerez à la fin de cet éditorial) être intéressant de parler.

par Gwendal Gauthier, directeur du Courrier des Amériques.
par Gwendal Gauthier, directeur du Courrier des Amériques.

Certains médias et spécialistes se questionnaient en 2021 – encore plus qu’auparavant – sur l’avenir de la puissance américaine, car la planète était de toute évidence en train de sortir progressivement de la « Pax Americana » (cette époque où les Etats-Unis étaient qualifiés de « gendarme du monde »), pour désormais évoluer vers un globe multipolaire ou aussi bien la Russie que la Chine, l’Iran et la Turquie peuvent prétendre à une part de zone d’influence. 

Ces questionnements étaient par exemple écrits dans la revue Foreign Affairs de Mars-Avril 2021. C’était le cas aussi du Courrier des Amériques d’avril 2021. La reconstitution « multipolaire » de la planète semblait presque être une fatalité.

Dans le cadre de cette « fatalité », il convient de préciser que beaucoup ont mal compris le départ des troupes américaines d’Afghanistan en août 2021, pensant qu’il s’agissait d’une « débâcle », d’un « affaiblissement » ou encore d’un repli « isolationniste » des Etats-Unis. Sur ce point, il n’y a eu aucune débâcle américaine à Kaboul, mais un départ prévu de longue date, même s’il fut assez chaotique, en tout cas d’un point de vue médiatique. Il n’y a pas tant un affaiblissement des Etats-Unis qu’une mise à niveau militaire, technologique et financière d’autres superpuissances (pour être clair, il faut raison garder, on n’est pas prêt de voir les Talibans gagner un affrontement contre les Américains). Enfin, il était assez difficile de savoir si la politique isolationniste de Donald Trump allait être poursuivie par son successeur, Joe Biden, qui venait alors de prendre le pouvoir (en janvier 2021).

Les Américains ne sont pas isolationnistes. Ils sont PARFOIS isolationnistes ; et la nuance est importante. S’il est une ligne directrice fondamentale pour la politique internationale américaine, ce n’est pas l’isolationnisme : c’est la protection des routes commerciales anglo-saxonnes. A travers l’histoire, Londres a toujours utilisé ses forces, notamment navales, pour sécuriser ses routes commerciales. Les Etats-Unis ont ensuite pris le relais au XXe siècle, en complément de ses alliés britanniques. Bien entendu, les « routes de l’énergie » sont avec le temps devenues plus importantes que les échanges de marchandises.

Les Américains ne sont donc pas « isolationnistes » : ils le sont uniquement quand leurs routes commerciales et énergétiques ne sont pas menacées.

Replaçons cette donnée dans l’histoire mondiale contemporaine.

La chute du Rideau de Fer (de l’URSS) en 1989 a permis la création de ce qu’on a appelé la « mondialisation », sous domination américaine. Pour moi, cette émergence que nous voyons aujourd’hui d’un monde multipolaire, a pour conséquence de mettre un terme à cette mondialisation, qui aura ainsi vécu 33 ans.

Croire que les Russes font face à des « sanctions », à une « interdiction de coupe du monde de Football » ou encore à un « bannissement du concours de la chanson de l’Eurovision », c’est passer à côté de la « big picture ». Depuis quelques jours, les Russes sont rejetés, avec ou sans l’Ukraine, de l’autre côté du Rideau de Fer. Et, vraiment, ce n’est pas quelque chose qui sera renégocié dans six mois. Les Russes établissent d’ailleurs de leur côté des bannissements similaires. Les Etats-Unis souhaitent cette séparation et les Russes semblent également en avoir compris l’idée : les comptes sont en train de se régler. Différents mondes vont désormais vivre sous différentes règles. Et l’Union Européenne vient pour sa part de choisir son camp : ce sera celui des Etats-Unis.

Ainsi, ce ne sont donc pas des « sanctions » que subit la Russie, mais une « exclusion » du terrain de jeu maîtrisé par l’Occident. Et, par delà la Russie, ce seront (entre autres) à la Chine et à l’Inde (qui n’ont pas condamné l’attaque Russe en Ukraine), de désormais devoir se positionner et décider de quel côté du Rideau de Fer elles souhaitent se retrouver ; dans quelle bulle « pro-russe » ou « pro-usa ».

Ces derniers mois, la Chine défiait les Etats-Unis, et au premier jour de l’offensive russe, elle a même fait voler ses avions dans l’espace aérien de Taïwan…

Néanmoins, comme on le voit, l’histoire n’est pas écrite. Mais elle est sans aucun doute en cours de réécriture. Et ceux qui pensent que les Américains sont les grands absents du conflit en Ukraine ont peut-être tort : ils sont tout à fait présents. Certes, ils ne mettront jamais un soldat américain face à un soldat russe, pour des questions nucléaires. Mais la résurrection du Rideau de Fer ; la coupure entre les pays de l’Union Européenne et la Russie est un acte dont le principal bénéficiaire est bien évidemment les Etats-Unis. Cela renforce au passage la relation USA-UE. 

Rappelons à ce sujet que la mondialisation américaine avait eu pour conséquence de déliter un peu, depuis 1989, les relations entre l’Europe et les Etats-Unis. L’Europe était restée très « atlantiste », mais les USA tissaient pour leur part des partenariats avec absolument tous les continents y compris l’Amérique latine dont les nations devenaient stables et constituaient des marchés de plus en plus importants, très près de Washington. Même s’il y avait de beaux restes d’amitié, l’Europe était en conséquence de moins en moins son « partenaire privilégié ». Et puis, la Grande-Bretagne ayant quitté l’Union, ça devenait même encore plus compliqué de s’adresser à différentes Europes. En conséquence, ces dernières années, beaucoup se questionnaient sur l’utilité de l’OTAN.

Aujourd’hui, la donne a changé. Et il me semble assez difficile d’extraire le conflit Ukraine-Russie de cette équation internationale plus large. Pas vous ?

Gwendal GAUTHIER

Directeur du journal Le Courrier des Amériques


PUBLICITE :

Afficher plus

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page