Prince Camille de Polignac : un général français chez les Confédérés
Il aura fallu éplucher des récits et des récits de soldats confédérés ayant participé à la bataille de la Red River pour savoir qui était ce « Prince Polecat » qui les avait héroïquement amenés à la victoire durant la première bataille sur ce site de Louisiane. Pas de « Prince Polecat » sur la liste des centaines de généraux confédérés. Et puis, Polecat… ça veut dire « le putois ». Et c’est ainsi la manière dont les « rebs » avaient choisi de surnommer cet excentrique officier français au nom imprononçable et dont personne ne voulait comme chef… jusqu’à ce jour où les circonstances s’imposèrent.
Bon il faut préciser que, avant d’arriver en Louisiane, le prince de Polignac n’était que sous-lieutenant, et pas même officier supérieur… même s’il en avait toujours rêvé. A son grand désespoir, le prince Camille « Polecat » de Polignac devait l’étoile de général confédéré au fait qu’il était… le fils de Jules de Polignac, ex-président du Conseil des Ministres de Charles X, roi de France. Comment un prince français, et fils de premier ministre devient un héros des bayous de Louisiane ? Voici son histoire invraisemblable.
Son premier ministre de père avait été jeté en prison lors de la chute de Charles X. Et c’est là, ça ne s’invente pas, qu’a été conçu Camille. Né en 1832, Camille de Polignac passera la première partie de sa jeunesse avec la noblesse exilée. Ca tombe bien, sa mère est anglaise. Elle avait rencontré son père alors qu’il était ambassadeur à Londres. Après les années d’exil les Polignac sont autorisés à rentrer en France. Que ce soit à l’étranger ou à Paris, cette jeunesse mouvementée – qui lui donne peut-être le goût de l’aventure – se passe tout de même au sein la très haute noblesse (sa grand-mère était la meilleure amie de la reine Marie-Antoinette). En tout cas sa connaissance de la langue anglaise et du monde anglo-saxon vient de là.
En 1853, Camille de Polignac s’engage dans l’armée française comme simple soldat, fait rare avec un titre de noblesse si élevé, et surtout comparé à ses frères qui, eux, sont gradés. Il participe à la guerre de Crimée en 1854 et 1855, persuadé qu’avec un comportement héroïque, il gagnera ses galons à la force du poignet. Il fait tout pour… mais finalement, en 1859, il quitte l’armée désespéré de ne pas s’y être rendu célèbre. Changeant radicalement d’univers, Polignac part la même année pour découvrir l’Amérique Centrale. Mais il ne manque non plus pas les opportunités de rencontrer des notables locaux. C’est ainsi qu’il se lie d’amitié avec Alexander Dimitry, ambassadeur des Etats-Unis au Nicaragua. Dimitry, originaire de Louisiane, sait que les Etats du sud des USA vont vers la sécession, et il cherche tous les soutiens possibles pour la future coalition sudiste. En 1861 alors qu’il est de retour à Paris, Polignac propose ses services au au général confédéré PT Beauregard.
D’une part Polignac peut leur être utile, mais de l’autre, les Sudistes ont une très haute opinion de leurs capacités militaires. S’ils n’ont pas l’industrie dont dispose le Nord, ils ont en revanche les meilleurs officiers, et ils tiennent à ce que cela reste ainsi. Polignac ne sera nommé « que » Lieutenant Colonel, ce qui est déjà une sacrée promotion pour lui ! Il sert alors dans les états-majors de Beauregard et de Braxton Bagg. En mai 1862, il participe déjà à la défense de la ville de Corinth (Mississippi) contre les avancées de l’armée de John Pope. En janvier 1863 Polignac est enfin promu brigadier général, et versé dans l’armée de Louisiane Occidentale de la région Trans-Mississippi où il dirige une brigade d’infanterie texane. Ils mettent les nordistes en échec dans leur tentative de conquête du Texas.
Polignac va ensuite devenir célèbre, et populaire durant l’épisode le plus héroïque de sa vie : la campagne de la Red River. Les sudistes savent que les armées du nord tentent de pénétrer en Louisiane le long de la rivière. Elles se portent en masse à leur rencontre, et la jonction se fait à Mansfield le 8 avril 1864. Les Nordistes avancent en colonne, protégés par leurs canons sur une colline. Le général Louisianais Alfred Mouton sonne la charge et il s’effondre quelques secondes plus tard : le fils de l’ex-gouverneur de Louisiane tombe sous les balles à l’âge de 35 ans. L’homme qui se tient à ses côtés prend le commandement de l’attaque : c’est Polignac qui fonce sur la colline, alors que sur son aile droite, un autre français d’origine alsacienne pour sa part, le colonel Xavier Debray, dirige la régiment du 26e Texas. Polignac charge dans la mêlée; « il se bat comme un tigre » témoignèrent les soldats dont, ce jour-là, il força l’admiration. Les hommes d’Abraham Lincoln sont obligés de s’enfuir.
Le 14 juin 1864, Camille de Polignac est élevé au grade de major général (l’équivalent d’un général deux étoiles dans l’armée française), il conserve la tête de la division de feu le général Mouton durant la fin de la campagne de la Red River, puis en Arkansas jusqu’à la fin de l’année 1864. Mais le Nord gagne de plus en plus de batailles et de terrain. Le 17 mars 1865, celui qui sera surnommé « Le Lafayette du Sud » part en mission diplomatique en France afin d’obtenir des aides pour les Etats Confédérés. Il est reçu par l’empereur Napoléon III, mais sa cause est déjà perdue : le 7 avril le général Robert E. Lee a capitulé face au général Grant… la Guerre de Sécession est terminée.
Installé en France et séjournant dans différents pays, Camille de Polignac publiera ensuite de nombreux articles sur la guerre de Sécession, et un livre politique sur l’après-guerre aux Etats-Unis, mais aussi des descriptions de ses voyages en Amérique Centrale. Et quand il réintègre l’armée française en 1870 pour la guerre Franco-prussienne, ce n’est plus en tant que « prince-inconnu », mais avec le grade de brigadier général.
Le 15 novembre 1913, quand il est mort à Paris à l’âge de 81 ans, Polignac était alors le dernier général sudiste encore en vie… ce qui ne lui sera pas suffisant pour entrer dans les livres d’histoire !
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